En des temps lointains, du plus profond de l’Entre-Terre, six Clans foulèrent le sol vierge du Désert.
Le premier, le Clan des Planteurs, avait le don deféconder la terre.
Le deuxième, le Clan des Sourciers, commandait à l’eau. Le troisième, le Clan des Dresseurs, savait charmer les
animaux.
Le quatrième, le Clan des Façonniers, pouvait à sa guise modeler pierre et métal.
Le cinquième, le Clan des Couteliers, excellait dans l’artde manier la lame.
Le sixième, le Clan des Guérisseurs, connaissait les secrets des plantes et confectionnait des remèdes contre tous les maux.
Les Six s’installèrent sur une colline désolée. Ainsi naquit la Cité des Six.
Prologue
Ils passent juste au-dessus de moi alors j’attends, le dos plaqué sur le granit froid de l’immense muraille, blottie contre ses blocs de roche massifs. Pour patienter, je compte. Les soldats marchent vite, la nuit, sur le chemin de ronde. Jusqu’à trente, ça devrait suffire. La vapeur sort de mon nez et humidifie l’intérieur de mon écharpe. Je me force à respirer lentement. Mon cœur s’affole toujours au moment de franchir l’étendue déserte qui sépare les deux Murs. C’est là que je suis vulnérable, là qu’ils peuvent me voir malgré l’obscurité.
Ça y est, je n’entends plus le battement lourd de leurs bottes. L’adrénaline déferle, comme à chaque fois. Et je me mets à courir.
L’herbe est glacée, le givre craque et s’effrite sous mes semelles de cuir.
Encore vingt mètres. L’air froid me brûle la gorge. Je voudrais me retourner, vérifier qu’aucune sentinelle n’est restée en arrière, une qui pourrait m’apercevoir du haut des remparts, crier à l’intrus, décocher une flèche. Je me concentre plutôt sur mon objectif : la porte.
Cinq mètres. Je bondis, j’évite une flaque gelée et opaque.
Deux mètres. Mes chaussures crissent.
J’y suis. Je me coule dans l’ombre du contrefort.
Je soupire, essoufflée. Je ne crains plus rien, maintenant, à condition de rester silencieuse. Je tâtonne, aveugle, sens, glisse mes doigts entre les interstices. Je m’arc-boute et tire de tout mon poids. Je tire, je tire… et l’ouverture apparaît. Je ne comprendrai jamais pourquoi cette porte de granit millénaire ne grince pas, n’émet aucun son, qu’il pleuve ou vente. Et reste invisible pour tous. Je me faufile à l’intérieur et j’empoigne l’anneau de pierre. La porte se referme sur moi.
Je sors le galet de lumière que je cache dans ma poche, dévale l’escalier en vis et plonge dans les entrailles de la terre. Une soixantaine de marches et j’aboutis au tunnel. Je me souviens de la première fois que Malcor m’a amenée ici. Qui aurait pu soupçonner l’existence d’un tunnel, propre, sec, étroit, bas de plafond, chaud, enfoui sous les fondations de l’épaisse muraille de la Cité des Six ? J’étais fascinée, alors, et je m’extasiais sans cesse. J’avais dix-sept ans. J’y suis retournée des centaines de fois, j’en connais désormais chaque recoin, aspérité, inscription étrange. Depuis la mort de Malcor, j’y vais seule. Je ne partage pas mon terrain de chasse.
Extraits
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