Il faut que tu vives pour autrui si tu veux vivre pour toi-même.
Waldo HUTCHINS (1822-1891),
avocat, membre du Congrès,
fondateur de Central Park à New York.
AVANT-PROPOS
Je suis une personne simple qui a eu une vie compliquée. Un tel aveu pourra surprendre, il n’en est pas moins vrai. Mes aspirations m’ont toujours poussée
vers une existence discrète, consacrée à ma famille et au souci des autres, alors que la vie prenait plaisir à me placer sous les projecteurs de l’actualité.
Longtemps je m’en suis accommodée, parce que l’existence avait pris un tour à bien des égards passionnant. Mais je restais légèrement en retrait, comme si je désirais compenser une dynamique qui me poussait en avant, loin de moi-même. D’où quelques maladresses et de nombreux malentendus. J’ai regretté les premières et souffert des seconds. Mais au final, est-il si surprenant qu’on se soit beaucoup trompé sur mon compte alors que moi-même ne savais plus toujours qui j’étais ?
L’image d’une personne correspond rarement à sa réalité ; surtout quand les médias s’en emparent pour la façonner à leur guise. Lorsque, en outre, cette personne affirme par ses actes qu’elle demeure libre de ses choix, elle se coupe de toute indulgence. L’opinion adore placer les gens dans des cases, mais déteste les en voir sortir. Le choix est alors simple : rectifier les erreurs ou se taire. J’ai vite compris que la première solution était la pire. Loin d’atténuer la rumeur, les mises au point l’attiseraient plutôt. Il vaut donc mieux garder le silence, ne répondre à rien, choisir de ne pas se défendre avec l’espoir qu’un jour, de guerre lasse, on ne s’occupera plus de vous. C’est le choix que j’ai fait pendant des années ; laisser dire, laisser écrire. Et je n’ai nulle intention de modifier cette attitude. Elle est conforme à ma nature, éprise de discrétion et indifférente aux mensonges.
Mais dans le cours d’une vie vient le moment où l’on éprouve le besoin de raconter ce qu’on a vécu, tout simplement, sans chercher à régler des comptes avec qui que ce soit. On souhaite alors dire de quels fils une existence a été tissée, quels en ont été les grands moments et les émotions fortes, ce qu’elle vous a appris, comment elle vous a surprise ou déçue, dans quelles circonstances elle vous a rendue heureuse ou vous a fait souffrir. C’est ce que j’ai entrepris dans ce livre. J’espère que le lecteur y découvrira un être de chair, avec ses forces et ses faiblesses, ses certitudes et ses contradictions, ses hésitations et ses valeurs.
*
J’ai écrit un jour que j’avais été trop jeune trop longtemps, et que je ne me suis sentie en accord avec moi-même, consciente de ma vie et des choix qui s’imposaient à moi, qu’en avançant sur la route. C’est l’impression que j’éprouve aujourd’hui ; avoir attendu les choses trop longtemps parce que je croyais avoir tout le temps devant moi. J’étais persuadée de pouvoir tout faire, tout connaître, tout entreprendre. Les lendemains s’annonçaient éternels, et le grand banquet de la vie resterait à jamais dressé. Face à lui se tiendrait toujours la jeune femme libre et assoiffée d’avenir que j’étais.
Extraits
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