#Essais

Le chercheur et la souris. La science à l'épreuve de l'animalité

Georges Chapouthier, Françoise Tristani-Potteaux

L’histoire des relations entre l’homme et l’animal est faite de cruauté, de fascination, d’asservissement, de vie partagée, parfois d’amour fou. Une ambiguïté particulièrement troublante pour les chercheurs en biologie qui peuvent, tout en aimant les animaux, les utiliser pour faire progresser les connaissances scientifiques et médicales. Neurobiologiste et philosophe, Georges Chapouthier a vécu cette difficile contradiction. Françoise Tristani-Potteaux raconte le parcours de cette grande figure, revisite son oeuvre, analyse les événements, les interrogations et les désarrois qui l’ont conduit à devenir, tout en poursuivant une brillante carrière scientifique, un militant des droits de l’animal. Entre récits d’enfance, souvenirs furtifs, rencontres amicales et découvertes étonnantes sur la mémoire et l’anxiété, ce récit vivant et accessible intéressera tous ceux qui veulent entrer dans les coulisses de l’aventure scientifique. Et suivre le parcours intellectuel d’un chercheur qui, depuis son goût enfantin pour les animaux jusqu’au travail mené avec ses souris de laboratoire, en passant par une longue amitié avec des chimpanzés, nous fait partager sa réflexion sur l’injuste statut de l’animal et sur son destin, inéluctablement lié au nôtre.

Par Georges Chapouthier, Françoise Tristani-Potteaux
Chez CNRS

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Editeur

CNRS

Genre

Histoire et Philosophiesophie

Introduction

 

Un chien qui meurt, qui sait qu’il meurt comme un chien, et qui peut dire qu’il meurt comme un chien, est un homme.

Erich Fried, cité par Elisabeth de Fontenay

 

 

L’histoire des relations entre l’homme et l’animal est une histoire vieille comme le monde, faite de cruauté, de fascination, d’asservissement, de vie partagée et parfois d’amour fou. Elle n’en finit pas de nous secouer de ses contradictions et de ses soubresauts. Elle inspire les philosophes, les artistes et les écrivains, suscite de nouvelles disciplines comme l’éthologie. « Moi, déclare Boris Cyrulnik, je voulais faire de la psychologie animale, pas brûler les pattes d’un rat ou d’un chien (pour juger de leur résistance à la douleur). La délivrance est arrivée avec l’éthologie qui consistait à observer un animal dans son milieu naturel et non plus à le fendre en deux1. »

Pour Georges Chapouthier, à travers son vécu, son enfance, puis ses recherches théoriques et son expérience personnelle de biologiste travaillant sur des animaux vivants, trois grandes philosophies sous-tendent les rapports de l’homme à l’animal : l’animal humanisé, l’animal-objet et l’animal-être sensible. Ces trois conceptions, il les a personnellement vécues, est passé de l’une à l’autre, parfois en les superposant. C’est cet itinéraire original, et quelque peu contradictoire, que nous allons tenter de décrypter.

Le point de vue de l’animal humanisé a été abondamment répandu dans l’histoire des religions et des civilisations. Il était ainsi très prisé en Europe au Moyen-Âge, où les animaux ayant commis un délit étaient, à l’égal des hommes, soumis à un procès et souvent exécutés. « Au temps de Louis XII, l’avocat Barthélémy Chassanée acquit une très grande notoriété en défendant la cause des rats que l’évêque d’Autun avait voulu excommunier parce qu’ils transmettaient la peste. Il parvint à sauver ses petits clients d’une injuste proscription2. »

Une autre facette très importante de cette conception de l’animal humanisé est la métempsycose, c’est-à-dire la croyance, très répandue dans de nombreuses religions, selon laquelle l’animal peut être, après la mort, le réceptacle d’une âme humaine.

Dans un autre registre, cette représentation de l’animal humanisé se rencontre fréquemment dans la manière dont un jeune enfant conçoit ses relations avec les animaux qu’il côtoie et avec qui il entretient des rapports ludiques, égalitaires, affectueux. Ces jouets vivants font figure, selon Winnicott, d’objets transitionnels qui le préparent aux relations futures avec autrui. Pour le petit Georges, dans sa première enfance, les chiens du voisinage, qu’il appelait tous par leurs noms, « étaient des individus comparables à moi-même ou à mes parents. Juste un peu différents morphologiquement ».

Mais, malgré une importance philosophique et littéraire considérable, malgré la prégnance des tendres souvenirs d’enfance, l’animal humanisé n’est pas toujours une conception partagée par ceux qui pratiquent la recherche scientifique sur les animaux. La plupart d’entre eux recourent, implicitement ou explicitement, au modèle de l’animal-objet, conséquence philosophique indirecte (et mal digérée) de l’animal-machine proposé par Descartes et ses successeurs. Pour Descartes le corps, animal comme humain, était une machine et, en ce sens, la philosophie cartésienne offrait les bases matérialistes de la biologie expérimentale, telle qu’elle sera ensuite formalisée par Claude Bernard, visant à assimiler le fonctionnement des organismes à celui des systèmes matériels. Mais la philosophie de Descartes ne se limitait pas à ce versant matérialiste. II ajoutait qu’outre leur corps, les êtres humains possédaient aussi une âme et complétait donc sa première affirmation matérialiste par une dimension spiritualiste. C’est ce qu’on appelle le dualisme cartésien.

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14/11/2013 207 pages 22,00 €
Scannez le code barre 9782271078186
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