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Les Frondeuses. Une révolte au féminin (1643-1661)

Sophie Vergnes

Amazones glorieuses, intrigantes perverses: que n'a-t-on dit et écrit de la Grande Mademoiselle ou de la duchesse de Chevreuse ? Mazarin lui-même se serait exclamé en 1651: "Plus jamais je ne me fierai à des putane", comme si "putains" et "dames" étaient synonymes ! Sophie Vergnes balaie tous ces stéréotypes et ces préjugés pour nous offrir la première histoire de la Fronde (1648-1653) écrite au féminin; une Fronde élargie chronologiquement, de 1643 - une femme, Anne d'Autriche, arrive à la tête de l'Etat - jusqu'à la prise de pouvoir de Louis XIV en 1661, quand triomphe un ordre absolu qui est aussi, très largement, un ordre masculin. En ce milieu du XVIIe siècle, les femmes entrent bel et bien en politique et se métamorphosent en combattantes: la duchesse de Longueville, soeur du Grand Condé, se comporte comme un véritable chef de guerre, nouant des alliances avec l'étranger et n'hésitant pas à s'exposer aux mousquerades à Bordeaux ; quant à la Grande Mademoiselle, elle ordonne le fameux coup de canon du haut de la Bastille contre les troupes royales en juillet 1652. Les Frondeuses jouent aussi un rôle majeur comme médiatrices et négociatrices. Elles se révèlent alors de véritables professionnelles de l'intrigue, expertes en pratique du secret, du double langage, des allégeances multiples et contradictoires, du travestissement et de la correspondance clandestine. Avec ces quinze portraits de Frondeuses en action, Sophie Vergnes réécrit l'histoire de ce mitan effervescent du Grand Siècle et nous démontre que le devoir de révolte se décline aussi au féminin, avant que Louis XIV n'impose, avec l'ordre royal restauré, la soumission à la toute-puissance masculine ou la retraite religieuse. Alors, nombre d'anciennes Frondeuses se convertissent au jansénisme mais c'est un autre moyen pour elles de marquer leur différence et leur liberté.

Par Sophie Vergnes
Chez Champ Vallon Editions

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Genre

Sciences historiques



 

 

PRÉFACE: 

 

Une Fronde au féminin

 

 

 

Voici une des périodes les plus troubles, mais aussi les plus passionnantes de l’histoire de France : la Fronde, ces « guerres domestiques » qui déchirèrent le royaume entre 1648 et 1653 et mirent à mal le pouvoir royal alors incarné par Anne d’Autriche et Mazarin, « principal ministre », parrain et mentor d’un Louis XIV trop jeune pour régner.

Mais il s’agit ici d’une Fronde un peu particulière, une Fronde au féminin et, qui plus est, une Fronde élargie chronologiquement puisque Sophie Vergnes a choisi, avec raison, et on comprendra vite pourquoi, de débuter son analyse en 1643, quand meurt Louis XIII, pour l’achever autour de 1661, quand triomphe l’ordre royal louis-quatorzien, qui est aussi, très largement, un ordre masculin. Un dernier chapitre est, du reste, consacré à ce qu’on pourrait appeler la Fronde après la Fronde, dans la mesure où la dissidence condéenne ne se termine qu’en 1659 avec la paix des Pyrénées qui marque la fin d’un long conflit militaire avec l’Espagne (1635-1659), d’autant que des femmes de l’aristocratie, notamment les duchesses de Châtillon et de Longueville, ont continué à soutenir jusqu’au bout le prince de Condé passé au service de l’Espagne après l’échec des Frondeurs. Sophie Vergnes va même jusqu’à la parution de La Princesse de Clèves, en 1678, qui transpose à la cour d’Henri II le temps de la Fronde et fait de la duchesse de Valentinois une sorte d’alter ego des intrigantes du milieu du Grand Siècle. Tant il est vrai qu’à lire ce passage de Madame de La Fayette, celui-là même qui ouvre le roman, on croirait qu’il s’agit du synopsis de ce livre sur les Frondeuses : « L’ambition et la galanterie étaient l’âme de cette cour, et occupaient également les hommes et les femmes. Il y avait tant d’intérêts et tant de cabales différentes, et les dames y avaient tant de part, que l’amour était toujours mêlé aux affaires et les affaires à l’amour ».

 

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Pour accéder au versant féminin de la Fronde, Sophie Vergnes n’a négligé aucun des gisements de sources disponibles pour la période 1643-1661. Elle nous offre ainsi une relecture particulièrement attentive de quasiment l’ensemble du corpus, examiné sous un nouveau regard, afin de faire apparaître des phénomènes jusqu’à présent peu ou mal identifiés.

Le « noyau dur » de la recherche est cependant constitué par les correspondances, notamment les lettres des Frondeuses : une centaine de recueils a ainsi été consultée, le tout dispersé entre les archives nationales, les archives du ministère des Affaires étrangères, les archives du ministère de la Guerre, les archives du musée Condé à Chantilly, les manuscrits de la bibliothèque Mazarine, du fonds ancien de la Sorbonne, ceux de la bibliothèque de l’Institut… Il a fallu aussi déjouer les pièges d’une paléographie redoutable et du chiffrage de nombreux textes, nécessaire pour éviter d’être découvert, notamment des correspondances à haut risque, quand il s’agissait de confier des missions secrètes et importantes… Dans ce vaste ensemble documentaire, il faut souligner d’emblée l’intérêt et la singularité des Mémoires de la Grande Mademoiselle, la fille de Gaston d’Orléans, le frère de Louis XIII, qui offrent au lecteur le privilège rare de pénétrer à l’intérieur de la conscience d’une princesse frondeuse. La Grande Mademoiselle est du reste un des fils rouges de ce livre, tant elle semble condenser et décliner en sa personne toutes les formes du pouvoir féminin en ce mitan du XVIIe siècle, puisqu’elle est successivement ou simultanément Amazone, princesse souveraine, écrivain (ou écrivaine) et célibataire impénitente, quoique toujours à la recherche d’un improbable époux…

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17/10/2013 528 pages 29,00 €
Scannez le code barre 9782876738980
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