#Roman francophone

Choses dont je me souviens

Natsume Sôseki

Certains livres, parfois, semblent portés sur l'aile frémissante d'un oiseau. En voici un, né de la joie intense d'avoir échappé à la mort. En 1910, hospitalisé pour une grave maladie qui met ses jours en danger, Sôseki note au quotidien l'évolution de son état et ses réflexions. Choses dont je me souviens. Ce qu'il tente de retenir avec tant de hâte, malgré son extrême faiblesse, c'est bien sûr le miracle de la vie rendue, mais surtout la paix du cœur, la clarté pleine de grâce qu'a atteinte sa conscience libérée de la pression de la vie réelle par cette expérience si particulière de la maladie. " Si je fais le compte des occasions où j'ai pu me dire au cours de ma vie qu'une chose m'avait réellement rendu heureux, réellement reconnaissant, réellement humble, je m'aperçois qu'elles sont infiniment rares. Mon souhait le plus cher est de conserver intacts dans le fond de mon cœur, le plus longtemps possible, ces sentiments privilégiés qui m'habitaient alors... " Si ce texte, prose entremêlée de poèmes, a une tonalité unique dans l'œuvre de Sôseki, c'est que l'écrivain en a fait la mémoire du bonheur.

Par Natsume Sôseki
Chez Editions Philippe Picquier

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Genre

Poches Littérature internation

 

 

 

Préface

 

 

Omoidasu koto nado, « Choses dont je me souviens », se situe dans l’œuvre de Sôseki après l’achèvement de son roman Mon (La Porte, Picquier, 1992), publié en feuilleton dans le journal Asahi entre le 1er mars et le 12 juin de l’année 43 de l’ère Meiji (1910). L’écrivain est alors âgé de quarante-quatre ans. Hospitalisé une première fois le 18 juin pour soigner un ulcère à l’estomac, il quitte l’hôpital le 31 juillet, mais c’est pour partir se reposer dès les premiers jours d’août à Shuzenji, petite station thermale de la péninsule d’Izu. C’est là qu’il sera terrassé par une hémorragie, le 24 août, qui le laissera sans connaissance pendant trente minutes. Dès le 8 septembre cependant, Sôseki peut reprendre le carnet qui lui tient lieu de journal, et il se met de nouveau à noter des faits quotidiens, l’évolution de son état, des impressions de lecture. Surtout, il écrit de nombreux haïkus ainsi que des kanshi (poèmes rédigés en chinois classique), qu’il insérera dans le texte présenté ici et qui lui donneront sa tonalité particulière.

L’écrivain s’explique lui-même sur le sens qu’a revêtu pour lui l’expérience de la maladie et de la perte de conscience, ainsi que sur les raisons qui lui ont fait prendre la plume alors qu’il était encore dans un état de faiblesse extrême. C’est le 20 octobre qu’il rédige le premier « chapitre » de Choses dont je me souviens, dans la chambre d’hôpital qui l’avait accueilli une première fois en juin avant de le voir revenir le 11 octobre, directement de Shuzenji, et il ne pourra franchir à nouveau le seuil de sa demeure que le 26 février de l’année suivante. C’est donc pendant l’hospitalisation de Sôseki que le journal Asahi publie le texte, entre le 29 octobre 1910 et le 20 février 1911.

Le lecteur ne manquera pas d’évoquer un autre texte paru cinq ans plus tard, Garasudo no uchi (A travers la vitre, Rivages, 1993), qui n’est pas sans présenter nombre de similitudes, car on y voit l’écrivain s’exprimer sur un ton intime et familier à propos de la mémoire, de la mort, de l’art. On songe également à une œuvre antérieure, Kusa makura (Oreiller d’herbes, Rivages, 1987), que l’écrivain lui-même définissait comme un roman-haïku, où il s’interrogeait sur la beauté, la peinture, la poésie.

Choses dont je me souviens présente trois formes d’écriture, prose, haïkus et poèmes. Si l’on sait que Sôseki n’a pas laissé moins de 2 500 haïkus et 208 poèmes en chinois, les 18 haïkus et les 16 kanshi qui figurent ici sembleront peut-être de peu de poids. Il n’en est rien, car on peut peut-être y trouver la clef de l’orientation ultime de l’écrivain.

Sôseki compose son premier haïku en 1889, qu’il adresse dans une lettre à son ami Masaoka Shiki, grand poète, fondateur de la revue Hototogisu, principal artisan du renouveau du haïku, et dont le rôle fut décisif pour imprimer un élan créateur à l’œuvre poétique de l’écrivain. Deux périodes furent particulièrement fécondes. La première se situe entre 1895 et 1900, années qu’il passe à Matsuyama puis à Kumamoto, où il occupe le poste de professeur d’anglais jusqu’à son départ à destination de l’Angleterre sur l’ordre du ministère de l’Education ; la seconde embrasse les dernières années de sa vie, avec la redécouverte fulgurante du bonheur de l’inspiration poétique dont il fait l’expérience en 1910, après avoir frôlé la mort. La joie intense d’avoir échappé à la mort, l’expérience d’une vie libérée de l’étouffante quotidienneté, qui a retrouvé douceur et chaleur, lui soufflent ses poèmes.

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trad. Elisabeth Suetsugu
05/01/2005 179 pages 6,60 €
Scannez le code barre 9782877307567
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