#Essais

Mobilités urbaines. L'âge des possibles

Jean-Pierre Orfeuil

Le carburant est hors de prix, le réchauffement menace, certains rêvent, chez nous, de villes sans voitures. La moitié de l'humanité dans les pays émergents rêve de conduire, et le fera dans dix, vingt ou trente ans. Il lui faudra du carburant, beaucoup de carburant. La société appelle à plus de flexibilité et de réactivité, ce qui se traduit souvent par des besoins croissants de mobilité, et elle ne baisse pas ses exigences quand le pétrole est cher.Autant dire que nos soucis ne font que commencer. Sommes-nous condamnés ? Oui, condamnés à réussir une transition. Vers quoi ? Une mobilité durable, bien sûr. Mais encore ? Quels en sont les ingrédients ? Des villes mieux organisées, des transports publics plus performants, des voitures moins gourmandes. Oui, on a déjà beaucoup réfléchi et écrit là dessus. Peut-être cela ne suffira-t-il pas ? Il faudra alors faire flèche de tout bois. Certains prônent, sous la bannière de l"âge de l'accès et de l'" économie de fonctionnalité ", le passage d'une économie de la possession à une économie de flux et de services. D'autres explorent les potentiels d'un modèle de consomm'acteur, où nous serions à la fois producteurs et consommateurs. Utopies ? Pour demain matin, sans doute, pour plus tard, ça se discute. Applicables à la mobilité ? Oui sur le papier, oui en vrai si nous savons proposer une vision qui aurait la chance de pouvoir être partagée par un grand nombre d'acteurs. C'est cet univers d'alternatives, et les conditions de son émergence, qu'explore cet ouvrage, à partir des travaux de l'auteur et des communications proposées au séminaire " Acheter ou louer " organisé par l'Institut pour la Ville en mouvement en partenariat avec l'Esc-Eap..

Par Jean-Pierre Orfeuil
Chez Carnets de l'Info/Scrinéo

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Genre

Faits de société

 

 

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Posséder,
emprunter, recourir
à un service : l’âge
de l’accès signe-t-il
la fin de l’ère de la
propriété des biens ?

 

 

Certains auteurs prophétisent, avec des thèmes comme la dématérialisation et l’âge de l’accès, l’avènement d’un capitalisme fondé sur toujours plus de services, toujours moins de biens. D’autres, venus de l’écologie, trouvent que ça ne va pas assez vite, voire que c’est une illusion de plus. D’autres enfin s’intéressent aux modalités concrètes d’une consommation soutenable, et néanmoins agréable. On essaie ici d’y voir clair dans les arguments des uns et des autres.

 

 

Faire ou faire faire, un arbitrage qui nous est familier



Dans notre vie courante, il y a souvent plusieurs manières de réaliser une même activité. Lorsqu’il faut fixer un objet lourd au mur, certains utilisent la perceuse acquise il y a quelques années, d’autres font le tour de leurs connaissances pour en emprunter une, d’autres encore se rendent tôt le matin dans un commerce spécialisé en location de matériel, d’autres enfin téléphonent directement à un professionnel qui s’occupera de tout. Cet exemple banal nous rappelle que les modes de satisfaction de nos besoins ou de nos envies sont multiples. On peut acheter un logement, en louer un, en partager un avec d’autres, acheter ou louer un mobil home, ou vivre en permanence à l’hôtel, comme un couple de philosophes célèbres ou des rmistes moins connus. On peut préparer un dîner, le faire avec des produits bruts ou des produits déjà élaborés, s’en faire livrer un ou aller chercher une pizza à emporter, aller au restaurant, faire un pique-nique, manger un sandwich dans la rue. On peut partir en vacances à l’hôtel, au camping, dans un club de vacances, dans la résidence en « time share » dont nous avons acheté une ou deux semaines par an, louer un gîte, aller dans sa résidence secondaire, faire le coucou chez des amis, se faire héberger par des inconnus, membres d’un réseau de partage de résidence. On peut garder soi-même ses jeunes enfants, les confier à une personne qui vient chez soi, les emmener chez les grands-parents ou à la crèche, pratiquer des « gardes alternées » avec des voisins. On trouverait des situations analogues pour le grand âge, y compris avec des femmes âgées qui offrent une chambre à des étudiants en échange de quelques heures de compagnie et de menus services. Les situations dans lesquelles nous faisons des choix de ce type sont à la fois très nombreuses… et très peu étudiées. On pressent pourtant qu’il s’agit d’un sujet important aujourd’hui, et encore plus demain : la production indéfinie d’objets épuise la planète et fait déborder nos caves, l’extension indéfinie des services, souvent publics, assèche les caisses de l’État. On pressent que les frontières entre ces différentes solutions deviendront plus floues. Pour ne prendre qu’un exemple, le « homebuy programme » lancé récemment par le gouvernement britannique développe une action « shared ownership » où l’on achète une partie (une part ?) de son logement, l’autre partie étant louée à un organisme d’habitat social. On pressent aussi, et c’est sans doute la raison du trop petit nombre d’études, que tout n’est pas affaire de calcul monétaire, et que les choix que nous opérons mettent aussi en jeu des caractères de nature plus anthropologique, notre relation aux autres, aux objets, au temps, éventuellement à la transmission intergénérationnelle.

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18/11/2008 254 pages 16,00 €
Scannez le code barre 9782916628394
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