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Droit
Chapitre 1
L’avocat et l’argent
La rémunération des avocats est toujours aujourd’hui désignée sous le terme « honoraires ».
M. Claude Joseph de Ferrière, « doyen des docteurs-régens de la Faculté des droits de Paris et ancien avocat en Parlement », écrivait, en 1762 : « En fait de récompense, honoraire signifie celle que l’honneur de leur profession ne permet pas de recevoir en salaires ; comme font les avocats et les médecins, ainsi le mot d’honoraires que l’on donne à la récompense de leur travail, signifie qu’il est honnête de la recevoir, mais qu’il est honteux de la demander, […] ce serait déshonorer une si noble profession, que de lui donner, comme on fait à la journée d’un mercenaire, un salaire fixe et une récompense certaine et réglée.
[…] Anciennement on tenait parmi nous que les avocats pouvaient se pourvoir en justice contre le refus injuste que leurs clients font quelquefois de leur donner leur honoraire… Aujourd’hui, l’honneur attaché à la profession d’avocat retient la plupart dans le silence, et on n’en voit point faire aucune demande de leurs honoraires. » Le Petit Robert, dernière édition, est plus laconique : « Rétribution accordée en échange de leurs services aux personnes exerçant une profession libérale ; voir appointements, émoluments, “les honoraires d’un médecin, d’un avocat”. »
Au XVIIIe siècle comme aujourd’hui, en tout cas, le terme « honoraire » est immédiatement associé à la profession de médecin… et d’avocat. Le mot « provision », en revanche, est moins ancien et d’usage courant aujourd’hui. Il signifie « avance sur honoraires ». Non « provisionné », en effet, un avocat risque de ne jamais « être honoré ».
Avocat, j’avais dû me tromper de siècle, trouvant certes légitime de recevoir des honoraires… mais honteux de les demander. Cette difficulté, je ne l’éprouvais que dans mes relations avec les personnes venues individuellement me demander des conseils et de l’aide : on dit bien « assister » son client. Dans ma « clientèle » (impossible pour moi de ne pas mettre ce mot entre guillemets, c’est révélateur), les entreprises, les personnes morales, ne me posaient en revanche aucun problème. Mais les prévenus démunis, les femmes battues ou abandonnées, les jeunes violées isolées, comment leur dire tranquillement : « Sans argent, pas de Suisse » ?
Quatre anecdotes racontent ce malaise. La malhonnêteté caractérisée d’abord : celle d’un ancien confrère tombé hélas totalement dans l’ornière : « 5 000 francs pour le juge » ; la gêne que personnellement j’éprouvai ensuite : « Les chaussures de Charlot » et « La Petite Roquette » ; enfin la difficile fixation des honoraires : « Les autres m’ont dit ».
Aujourd’hui, tout a radicalement changé, et le rapport d’argent entre l’avocat et le client est clarifié. La convention d’honoraires permet en effet de fixer clairement les règles et ce à quoi le client doit s’attendre. Les prescriptions déontologiques et la jurisprudence ont bien déterminé les critères de fixation des émoluments de l’avocat, qui sont fonction de plusieurs éléments comme le temps passé, la qualité et la notoriété du conseil, enfin la proportion de rémunération liée à la participation aux résultats (autrefois dite « pacte de quota litis »), qui est désormais licite si elle n’est que partielle.
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