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Contes à Ninon suivi de Nouveaux Contes à Ninon

Emile Zola

Dans les Contes à Ninon (parus en 1864, Zola a 24 ans) et les Nouveaux Contes à Ninon (1874), Zola expose tous ses talents, il joue de tous les registres, de tous les genres : le merveilleux, le fantastique, la satire, l'épopée, le récit réaliste, l'autobiographie. Il y exploite tous les tons : l'humour, l'ironie, le pathétique, le sérieux démonstratif, la colère. Ces volumes de contes sont une réfraction de l'oeuvre entière : ils résument dix années de production littéraire et annoncent des thèmes, des figures et des formes que l'écrivain développera dans ses grands chefs-d'oeuvre. Entre contes et chroniques, sous le signe de la fantaisie comme du sérieux, ces oeuvres de jeunesse montrent la richesse, l'ambiguïté, la puissance d'imagination et d'expression qui donneront bientôt leur prix aux romans à venir.

Par Emile Zola
Chez Editions Gallimard

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Genre

Littérature française (poches)

 

 

 

PRÉFACE

 

 

CONTES À NINON

 

 

Il n’est jamais sans intérêt de se pencher sur les premiers textes d’un grand écrivain, surtout lorsqu’ils offrent en apparence, comme dans le recueil qu’on va lire, une telle différence avec l’image que l’on se forme traditionnellement de leur auteur. En effet, comment reconnaître, à première vue, dans ces « bien pâles ébauches » adressées à la naïve Ninon1 le futur auteur de L’Assommoir ou de Germinal ? Comment concilier l’idéalisme de ces textes de débutant, leur penchant pour le conte bleu, le goût de la rêverie et du merveilleux dont ils témoignent bien souvent avec le réalisme, la force, l’intensité des romans de la maturité de l’écrivain ? C’est pourquoi, après avoir compté, du vivant de Zola (avec Le Rêve peut-être), parmi les rares œuvres du romancier naturaliste acceptées par la critique conservatrice et jugées dignes d’être mises entre toutes les mains (ce qui explique qu’ils aient été beaucoup lus en leur temps), les Contes à Ninon sont aujourd’hui, et pour les mêmes raisons sans doute, ignorés du grand public et boudés par la critique. Et pourtant, les choses ne sont pas si simples. Il suffit de s’arrêter un instant sur ces textes oubliés pour y reconnaître, au-delà des maladresses de l’écrivain novice et de la naïveté de l’idylle, la richesse, l’ambiguïté, la puissance d’imagination et d’expression qui donneront bientôt leur prix aux romans à venir.

 

 

Un hymne à la jeunesse

 

Les Contes à Ninon sont, dans tous les sens du terme, une œuvre de jeunesse. Jeunesse de l’écrivain, qui n’a guère plus de dix-neuf ans lorsqu’il compose le premier de ses récits, « La Fée Amoureuse », et vingt-quatre ans lorsque paraît son recueil. Jeunesse du narrateur, le « jeune conteur » à peine plus âgé, sans doute, que la jeune fille à laquelle il s’adresse. Jeunesse des personnages aussi : vingt ans, c’est l’âge de Simplice, seize ans, celui de Georgette, l’héroïne du « Carnet de danse », celui de Sidoine et Médéric aussi. Plus généralement, « seize ans », la perfection même, l’absolu de la jeunesse, ce point éphémère et magique où l’enfance, sans cesser tout à fait d’être encore, se sépare d’elle-même pour entrer dans la vie adulte, c’est le moment symbolique du recueil tout entier. Ce que les contes se proposent d’abord d’exalter, non sans mièvrerie parfois (mais la mièvrerie aussi est un des charmes de l’enfance), ce sont les temps heureux des commencements. Ce qu’il faut raviver, c’est « le rêve des seize ans », dans sa fraîcheur et sa naïveté, avec son cortège fleuri de visions idylliques, d’amours idéales, de drames minuscules : chanter, pour retrouver l’enfance perdue, les « coquetteries de la rose » et les « infidélités de la libellule ».

Célébrer la jeunesse, c’était pour l’écrivain de vingt ans revenir un peu nostalgiquement sur les souvenirs heureux de son adolescence provençale. L’auteur se confond alors avec le narrateur, lorsqu’il s’agit de rappeler, dès la dédicace du recueil, « les campagnes de [sa] chère Provence », « les grandes lignes bleues des collines lointaines », la « beauté âpre » de cette « patrie sévère » dont il est maintenant séparé. Mais les Contes à Ninon ne sont pas les Lettres de mon moulin. La Provence n’y est évoquée que fugitivement, au début du « Carnet de danse », à travers ses musiques et ses parfums, fifre et tambourin, sauge et thym, genévriers et pistachiers sauvages. C’est que l’âme de la Provence se trouve moins contenue dans des souvenirs précis, des notations sensorielles concrètes, que dans une figure imaginaire chargée de résumer pour l’écrivain toute la patrie perdue : c’est Ninon, ou Ninette, puisque la jeune fille porte les deux noms2, compagne rêvée des anciens jours qui attend au pays le retour de son amoureux. En elle se résume tout un passé qui déjà s’éloigne, fait d’espérances, de désirs vagues, de rêveries, de courses solitaires dans la campagne aixoise, tour à tour riante et sévère comme la jeune fille. Un échange s’établit entre la nature et la femme, semblables dans leur beauté comme dans leur caractère, au point que dans la mémoire de l’écrivain elles finissent par se confondre : « C’est à vous comparer ainsi que je me mis à vous aimer follement toutes deux, ne sachant laquelle j’adorais davantage, de ma chère Provence ou de ma chère Ninon » (p. 45).

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23/01/2014 542 pages 8,20 €
Scannez le code barre 9782070443833
9782070443833
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