#Essais

L'épreuve des différences. L'expérience d'une entreprise mondiale

Philippe d' Iribarne

A partir d'enquêtes poussées sur le cas de Lafarge, Philippe d'Iribarne décrit par le menu, de la Chine au monde arabe et aux Etats-Unis, la manière dont une entreprise mondiale affronte la pluralité des cultures. Comment, pour une entreprise, faire partager (et le faut-il ?) ses valeurs ? Celles-ci peuvent-elles prendre corps n'importe où sur la planète, ou sont-elles trop liées à une vision du monde qui reste l'apanage de l'Occident ? Les grands débats sur la démocratie et les droits de l'homme se retrouvent ici, de manière plus terre à terre mais non moins pressante, dans les relations humaines concrètes vécues au quotidien. Dans une large partie du monde, il est beaucoup attendu d'un pouvoir qui, tout en étant ferme, est à la fois juste et soucieux du bien de ceux sur qui il s'exerce. Mais ces attentes sont souvent déçues, dans l'entreprise comme dans la sphère publique. Les entreprises occidentales à orientation humaniste sont, quant à elles, bien placées pour y répondre si elles sont prêtes à tenir compte, en chaque lieu, de la vision locale d'une bonne manière de vivre ensemble. Elles peuvent être ainsi des agents d'efficacité économique en même temps que de progrès humain.

Par Philippe d' Iribarne
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

Sociologie

 

 

 

CHAPITRE I

 

 

France et États-Unis :
deux manières de se mettre en scène

 

 

Deux versions de référence des Principes d’action du groupe, l’une française et l’autre américaine, ont été rédigées simultanément par les mêmes personnes. Elles se correspondent strictement, phrase à phrase. Elles proclament les mêmes valeurs, et la proximité des deux langues fait qu’elles utilisent souvent les mêmes mots (satisfaction, satisfaction ; environnement, environment ; etc.). Une lecture rapide pourrait laisser penser que le texte ainsi produit transcende la diversité des cultures.

Pourtant, un examen plus attentif laisse apparaître un grand nombre de différences. Et celles-ci ne doivent rien au hasard. C’est que le texte ne se contente pas de faire référence à des valeurs. Il entre dans le concret, évoque les rapports que l’entreprise entend nouer avec ses clients, ses actionnaires et son personnel. Il ne dit pas seulement que ces relations doivent être bonnes, mais en dessine une image, dépeint les manières d’agir auxquelles l’entreprise en tant que telle souhaite se conformer et celles qui sont attendues des membres de son personnel. À entrer ainsi dans les réalités concrètes, le texte ne peut ignorer la manière dont, en France d’un côté et aux États-Unis de l’autre, on conçoit ce que sont de bons rapports entre une entreprise et ceux que son action concerne. Et ces conceptions elles-mêmes sont liées à des visions plus globales, américaine d’un côté, française de l’autre, d’une bonne manière de vivre ensemble (encadré 1).

Les conceptions en jeu transparaissent à travers le choix des mots et des expressions utilisés pour dépeindre les relations dont on parle ; ainsi, on n’évoque pas le même type de relation si l’on affirme que l’on veut (voire que l’on exige) que quelqu’un fasse quelque chose ou si l’on dit que l’on souhaite (qu’on attend) qu’il le fasse. En prêtant attention, de manière générale, à la façon précise dont chacune des deux versions évoque l’action de l’entreprise, aux images dont elle se sert à cet effet, on voit que chacune d’elles est marquée par une culture, en entendant par là une façon de concevoir comment vivre et œuvrer ensemble. Les manières dont chacune des deux versions des Principes met en scène l’entreprise, dans ses rapports avec le monde extérieur comme avec son personnel, sont concernées.

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01/10/2009 164 pages 17,20 €
Scannez le code barre 9782021002188
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