Chapitre IV
L’Arrangement franco-japonais de 1907
« J’envoie de très grand cœur
mes meilleurs souhaits de prospérité et
de succès au noble peuple japonais1. »
G. CLEMENCEAU, 22 septembre 1913
La victoire militaire nippone a modifié les équilibres internes à l’Extrême-Orient. Pour le Japon et le Royaume-Uni qui renforcent leur alliance en 1905, la Russie demeure une menace en Asie orientale et centrale. Malgré le coup d’arrêt qui a été infligé à l’Empire tsariste, le gouvernement japonais n’exclut pas le risque d’une revanche. De son côté, la France est fragilisée dans ses rapports avec le Japon. Son attitude ambiguë durant la guerre de 1904-1905 et son alliance militaire avec une Russie défaite ont détruit la confiance. Dans les opinions publiques des deux pays, l’aide française apportée à la flotte russe d’une part et la publication du rapport Kodama planifiant l’attaque de l’Indochine de l’autre pèsent lourd. Avec la montée en puissance du Japon en Asie, le gouvernement français est confronté au problème de la sécurité de sa lointaine colonie indochinoise. Au moment où Clemenceau accède au pouvoir en octobre 1906, les relations franco-japonaises sont donc à redéfinir. Elles vont l’être dès l’année suivante avec un accord financier suivi d’une entente diplomatique sur les possessions et zones d’influences des deux pays en Asie. Un rapprochement franco-japonais spectaculaire qui participe à la réconciliation russo-japonaise et anglo-russe. Quelle part Clemenceau a-t-il prise à ce rapprochement, avec quelles motivations et avec quels résultats ?
VŒUX
D’ENTENTE
Le 12 août 1905, le Royaume-Uni reconduit son alliance avec le Japon pour dix ans et en modifie le contenu. Il obtient que le soutien militaire japonais s’étende jusqu’aux Indes britanniques en cas d’agression extérieure. En contrepartie, il reconnaît le protectorat japonais sur la Corée. Le traité demeure un instrument contre la Russie dont l’Empire nippon redoute les velléités de revanche. En 1906, dans ses « Principes de Défense », il la désigne toujours comme l’adversaire probable. Viennent juste après les États-Unis et la France2.
En Europe, si la France peut se prévaloir de sa récente « Entente cordiale » avec le Royaume-Uni, elle doit faire face à la menace de la Triple Alliance. Certes, la crise de Tanger (mars 1905) puis la conférence internationale d’Algésiras (janvier-avril 1906) ont permis à la France de compter sur l’appui du Royaume-Uni. Mais tant que demeure la rivalité anglo-russe et que subsistent des contentieux russo-japonais, la France se retrouve au centre d’un système diplomatique incomplet dont André Tardieu décrit les faiblesses et l’évolution :
« Depuis dix ans, l’intrusion des affaires asiatiques dans la politique européenne nous avait toujours été préjudiciable. Au terme de la crise [russo-japonaise], l’Asie, plus que jamais, pesait sur nous, grevant notre avenir au profit de l’Allemagne, d’une lourde incertitude. Aux trois dangers qui la menaçaient – conflit russo-japonais, conflit franco-japonais, conflit anglo-russe –, c’est l’honneur de la France d’avoir su parer, en moins de deux ans, par trois réconciliations – réconciliation russo-japonaise, réconciliation franco-japonaise, réconciliation anglo-russe3. »
Extraits
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