INTRODUCTION
Février 2011. Sud de la France. Commune de Berrias-et-Casteljau, en bordure des Cévennes. Lorsque nous quittons la route départementale qui relie Aubenas et Alès, les villes de proximité, et que nous empruntons la petite route municipale qui serpente à travers la garrigue, au-dessus des gorges du Chassezac, nous arrivons au cœur d’une effervescence insolite. Le Hameau des Buis bourdonne, en bordure de route, parmi les chênes blancs pubescents et les blocs rocheux émergés d’une terre rougeâtre. Le terrain offre un relief karstique. Pierriers, murettes, éboulis et rochers constituent cet exosquelette caractéristique de la garrigue sur lequel un hameau tout neuf s’est invité. Seul vestige du passé, un mas traditionnel en pierres locales, coiffé de tuiles provençales, se dresse à fleur de coteau, dominant la vallée. Une couronne de bois et de fenêtres habille l’étage supérieur et des agrandissements marquent la récente rénovation dont il a bénéficié. Le bois est à l’honneur sur l’ensemble de l’œuvre architecturale du lieu*. La disposition des maisons rappelle les formes organiques d’un hameau traditionnel. Les bâtiments, de hauteurs inégales, épousent la forme du terrain avec une harmonie tranquille. Certains sont émergeants, d’autres se courbent le long de la ruelle qui traverse le village. Tous sont exposés plein sud et présentent une façade illuminée par le soleil d’hiver. De larges vitrages derrière lesquels ont été bâtis des murs à forte inertie thermique captent les rayons solaires qui réchauffent les maisons à la saison froide.
Car les habitants du Hameau des Buis ont choisi un cahier des charges exigeant en termes de performances des bâtiments : solaire passif, utilisation de matériaux locaux et naturels, coefficient d’isolation élevé, étanchéité à l’air optimale, récupération des eaux pluviales, phytoépuration*, jusqu’au recyclage quasi intégral des habitats en fin de vie (matériaux en majeure partie biodégradables)… À l’entrée du Hameau des Buis, un panneau en triptyque au bord de la route communale donne aux passants des explications sur sa raison d’être : “Le Hameau des Buis : lieu de vie écologique, pédagogique et intergénérationnel”, lit-on en grosses lettres. Les points forts du lieu sont ensuite décrits : habitat écologique, solidarité intergénérationnelle, agroécologie, éducation respectueuse de l’enfant… Des jours et heures de visite du lieu sont proposés, invitant les intéressés à venir découvrir cette innovation sociale au cours d’une visite guidée… Sur le chantier qui suit son cours depuis 2006, nous rencontrons des personnes de tous les âges. Paul est retraité, comme le laisse deviner sa barbe grise et son front buriné de Savoyard. Il a choisi de participer à la construction du hameau et d’occuper ensuite un logement avec son épouse, Anne-Luce. Depuis plusieurs années, l’un et l’autre participent concrètement à la faisabilité de l’ensemble en prenant part aux réunions et aux commissions de travail. Paul est également investi sur le chantier en tant que référent pour le bardage extérieur des maisons. Avec patience, il explique aux bénévoles venus aider et apprendre comment mesurer, découper et clouer les planches de pin Douglas sur les façades pour les habiller de bois. François est son complice d’atelier. L’un et l’autre des deux hommes alternent pour diriger les opérations du bardage. Avec son épouse Olga, François, directeur des ressources humaines à la retraite depuis peu, participe au Hameau des Buis depuis ses premiers moments, alors qu’il s’agissait encore d’un rêve un peu fou réunissant quelques utopistes de tous les âges. Cela fait sept ans que François et Olga attendent le moment d’emménager dans leur trois-pièces bioclimatique. L’événement est imminent et tous les effets personnels du couple sont déjà dans des cartons.
Extraits
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