#Essais

Les derniers jours de la vie d'Albert Camus

José Lenzini

Le 3 janvier 1960, Albert Camus quitte sa maison de Lourmarin pour rejoindre la capitale. Alors qu'il avait décidé de prendre le train, son éditeur Michel Gallimard réussit à le convaincre de faire la route en voiture. Ce voyage est pénible pour Camus, qui a des difficultés à écrire et se demande s'il sera jamais capable de mener à terme Le Premier Homme. Célèbre, riche, en pleine force de l'âge (quarante-sept ans), il devrait être comblé. Mais il est préoccupé par la guerre d'Algérie, dont il ne voit pas l'issue. Très marqué par la polémique qui a suivi la publication de L'Homme révolté et le prix Nobel de littérature, il doute, au point de vouloir abandonner l'écriture. Au cours du voyage, Albert Camus renoue avec les souvenirs de sa vie, notamment à Alger. Jusqu'au moment où, dans une ligne droite, la voiture de Gallimard quitte la route. Camus est tué sur le coup. Dans sa sacoche, on retrouve le manuscrit inachevé du Premier Homme, un horoscope lui prédisant de belles créations, quelques photos, et un billet de train inutilisé.

Par José Lenzini
Chez Actes Sud

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Editeur

Actes Sud

Genre

Critique littéraire

AVERTISSEMENT

 

 

Ce livre est un récit dans lequel sont évoqués les derniers jours d’Albert Camus. L’auteur s’y est attaché avec un souci de précision factuelle. Il retrace cet ultime voyage avec une volonté de rester fidèle à la réalité telle qu’elle a été évoquée dans différents ouvrages, des articles de presse ou des témoignages obtenus dans le cadre d’autres livres ou conférences. Ces témoins – proches et amis de Camus, secrétaire, compagnons de route ou de journalisme – ont permis à l’auteur de livrer certaines anecdotes qui ont pour objet de donner la mesure humaine de cet homme ouvert au monde.

Ce livre, dont la trame est le silence de la mère, présente des situations dans lesquelles il est possible d’imaginer Camus confronté à un destin qui lui paraissait incertain. Cette réalité a toujours habité, préoccupé l’auteur de L’Étranger ou de Caligula, le romancier comme le journaliste, le philosophe comme l’homme. C’est pourquoi nous avons choisi de nourrir l’ensemble de citations issues de l’œuvre de Camus. Elles viennent, au fil des pages, étayer le récit en le nourrissant de la vérité de ses mots. Ces citations, souvent brèves, sont placées entre guillemets afin de les discerner de l’ensemble du récit. Si nous avons choisi de pas en donner les références, c’est par souci de ne pas couper la lecture par des renvois en bas de page. Notre souhait est que ces citations incitent à (re) lire Camus et à retrouver les silences qui font également la richesse de son œuvre.

 

 

 

L’APPARTEMENT DES OMBRES

 

 

“C’est trop jeune…” Elle n’a dit que ces trois mots en les articulant du mieux qu’elle le pouvait. Trois mots après un long silence dans lequel étaient enfouies tant de phrases ravalées, douloureuses et vagues comme un désert. Elle n’a pas pu pleurer. Une grosse boule de feu coulait dans sa gorge, la brûlait au plus profond, et séchait ses larmes. Ses deux nièces Paule et Lucienne étaient restées légèrement en retrait, un peu étonnées qu’elle n’éclate pas en sanglots. Elles attendaient, immobiles, bras ballants, ne sachant que faire, que dire, ni quelle attitude adopter.

Le regard de la vieille femme s’était porté naturellement sur la photo posée sur l’étagère. Il était là, figé dans son imperméable, une cigarette à la main, le regard de biais, ne pouvant pas croiser celui de sa mère. Ce regard chargé à la fois de tendresse et de détachement. Ce regard dans lequel beaucoup croyaient lire une indifférence qu’il n’avait jamais désavouée, sans doute pour n’être pas contraint de justifier cette “infirmité de nature” héritée des longs moments aphones passés en compagnie de sa mère… Elle, ses cheveux avaient blanchi, les rides du visage s’étaient creusées, mais elle gardait ce petit nez droit et un regard marron chaleureux. Cependant, “quelque chose dans ce visage frappait. Ce n’était pas seulement une sorte de masque que la fatigue ou n’importe quoi de semblable écrivait provisoirement sur ses traits, non, plutôt un air d’absence et de distraction, comme en portent perpétuellement certains innocents, mais qui ici affleurait fugitivement sur la beauté des traits.”

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07/10/2009 142 pages 16,80 €
Scannez le code barre 9782742786299
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