#Essais

Casser l'euro... pour sauver l'Europe

Franck Dedieu, Benjamin Masse-Stamberger, Béatrice Mathieu, Laura Raim

Après cinq ans d'une crise sans précédent, un constat s'impose : la zone euro est la région du monde qui a le moins bien résisté au choc financier. Pourtant, malgré la tempête qui a dévasté nombre de ces pays membres, et condamné toute une génération, dans les pays du Sud, à choisir entre l'exil et le chômage, la monnaie européenne demeure une vache sacrée, un totem auquel il est interdit de toucher sous peine d'excommunication définitive. C'est ce tabou qu'il convient de briser, sans trembler. Le constat d'échec, en effet, est flagrant : l'euro n'est parvenu ni à endiguer les crises financières, ni à protéger des grands vents de la mondialisation, encore moins à provoquer une unification sociale et politique du Vieux Continent. Face à ce paysage désolé, les auteurs osent affirmer : oui, il faut sortir de l'euro pour sauver l'Europe. La solution la plus réaliste et la plus applicable, à leurs yeux, est celle d'un retour aux monnaies nationales, réunies au sein d'une monnaie commune. Ils expliquent les modalités d'action, pour que cette sortie se fasse sans provoquer les catastrophes que prédisent ceux qui veulent surtout que rien ne change.

Par Franck Dedieu, Benjamin Masse-Stamberger, Béatrice Mathieu, Laura Raim
Chez Liens qui libèrent (Les)

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Genre

Economie

 

 

 

Introduction

 

 

Qu’est-ce qu’un tabou ? Dans un monde où la posture transgressive est en vogue, la question mérite d’être posée. Franchir la ligne est devenu une marque de distinction et de liberté, un bras d’honneur à la société et à ses codes, et même la sortie de route idéologique est désormais le moyen le plus sûr d’accéder à son quart d’heure de célébrité… pourvu que cette transgression soit creuse. Dans cet univers désinhibé, les censeurs veillent pourtant plus que jamais. On peut d’ailleurs reconnaître les tabous non pas tant à ce qu’ils suscitent l’anathème et la réprobation générale, mais à ce qu’ils font courir à ceux qui les profèrent le risque d’une mise au ban définitive du Royaume du Bien, où sont distribués, entre soi, avantages moraux et bénéfices matériels.

À cette aune, la proposition de « casser l’euro », pour reprendre le titre du présent ouvrage, figure sans nul doute en bonne place dans cette liste noire. L’euro n’est-il pas le garant de l’Europe puissance ? le symbole de la coopération entre les peuples, contre toutes les « tentations populistes » ? la promesse de mettre enfin un terme à ces « guerres civiles européennes », suivant la formule célèbre de Stefan Zweig ?

Aussi pourrait-on soupçonner les auteurs de vouloir profiter de la confusion induite par la violence de la crise pour « faire le buzz » en prenant à revers le politiquement correct de l’époque. À moins que ce geste ne soit une sorte de crise… d’adolescence tardive, pied de nez aussi infantile que tardif au règne finissant des baby-boomers. Après tout, l’Europe et la monnaie ne furent-elles pas les deux mamelles de cette génération, aussi pieusement internationaliste dans l’idéal que férocement matérialiste dans le réel ? À moins qu’il ne s’agisse plus classiquement d’une opposition bête et méchante aux « gnomes de Bruxelles », ennemis jurés du prolétariat et fossoyeurs de la nation.

S’il est un point sur lequel les auteurs souhaiteraient emporter la conviction même de ceux qui ne partagent pas l’ensemble des arguments déployés ici, c’est que ce n’est pas de tout cela qu’il s’agit. Au contraire, serait-on tenté d’ajouter. Car le principal reproche fait dans cet ouvrage au « système euro », c’est justement de s’être lui-même mué en dogme, en idéologie fossilisée, s’éloignant toujours plus de la réalité à mesure que s’agrandissait le fossé séparant le projet de sa réalisation concrète. C’est en observant avec stupeur ce gouffre qui se creusait, par le travail journalistique quotidien au contact des acteurs de cette histoire singulière, que l’idée a commencé à germer en nous : il y avait bien quelque chose de pourri en ce Royaume-là.

Cependant, la nécessité de mettre fin à la monnaie unique ne nous est apparue que progressivement – tardivement, même, diront les eurosceptiques de stricte obédience. D’ailleurs, aucun des auteurs de ce livre n’a voté « non » au traité de Maastricht en 1992 – deux d’entre nous n’étaient, il est vrai, pas en âge de voter. Longtemps, nous avons cru le « système euro » certes dysfonctionnel, mais réformable. Au fil du temps, alors que les plus grands États européens plongeaient dans le gouffre les uns après les autres, nous n’avons pu que constater l’incapacité de cette Europe, saisie par la crise au milieu du gué séparant la souveraineté nationale du fédéralisme, à rejoindre les rivages désirés. À partir d’un certain seuil – difficile à définir précisément –, la détresse de millions de chômeurs et de nouveaux pauvres nous a semblé peser davantage dans la balance que la volonté farouche, inaltérable, d’aller au bout du projet engagé dix ans plus tôt. Le refus borné de certains, souvent parmi les plus favorisés, de remettre en cause ne serait-ce qu’une parcelle de leurs certitudes nous a aussi, confessons-le, choqués. Enfin, les anathèmes proférés de manière répétitive à l’endroit de ceux qui ne faisaient que constater un naufrage visible à l’œil nu ont également compté. Toutes ces raisons nous ont finalement décidés à faire partager les convictions acquises au cours de ces mois de tempête financière, économique, sociale et politique.

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02/04/2014 231 pages 19,00 €
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