#Essais

La mort et ses au-delà

Maurice Godelier

La variété des conceptions de l’au-delà comme des rites funéraires révèle combien la question du trépas constitue depuis les origines l’un des fondements des sociétés humaines. Comment celles-ci s’expliquent-elles que l’humanité soit mortelle? Comment se représentent-elles l’acte même de mourir ou se comportent-elles face à celui qui agonise? À quelles nécessités sociales ou religieuses répondent l’inhumation, la crémation ou la momification des dépouilles? Quelles que soient les formes qu’elles revêtent, les funérailles témoignent toujours de la volonté de conjurer la mort et de préparer la vie du défunt dans un autre monde. C’est ce que nous confirme cet ouvrage à travers l’étude de sociétés aussi diverses que celles de la Grèce et de la Rome antiques, du Moyen Âge chrétien, de la Chine et de l’Inde contemporaines ou des aborigènes d’Australie. Il montre l’extraordinaire créativité des hommes dans leur face-à-face avec la mort et l’inconnu de l’au-delà, qu’ils soient juifs, musulmans, bouddhistes, amérindiens ou mélanésiens. Mais au-delà des imaginaires et des rites qui distinguent toutes ces cultures, un socle invariant les réunit: nulle part, la mort ne s’oppose à la vie.

Par Maurice Godelier
Chez CNRS

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Editeur

CNRS

Genre

Ethnologie et anthropologie

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Il est, au départ, nécessaire d'expliquer l'origine et le sens de ce livre. En 2011 un certain nombre de médecins, de juristes, de spécialistes des politiques de la santé nous avaient posé tout simplement cette question : « pourriez-vous nous éclairer sur les façons dont la mort est conçue et vécue dans d'autres sociétés que la nôtre ou l'a été à d'autres époques que la nôtre ? » Question immense qui, évidemment, s'adressait au premier chef aux historiens et aux anthropologues mais aussi à bien d'autres disciplines des sciences sociales.

Pourquoi une telle question de la part des médecins ? Il faut, pour la comprendre, rappeler dans quel contexte elle fut posée. Selon eux, la raison en était la situation suivante propre avant tout aux sociétés occidentales : les gens y vivent de plus en plus longtemps et beaucoup meurent non pas de « vieillesse » mais des suites des maladies qu'entraîne un âge avancé. S'y ajoute le fait que de plus en plus de personnes âgées se retrouvent seules ou très isolées au cours de leur vieillesse et finissent leur vie en maison de retraite ou en milieu hospitalier. D'où la création dans les hôpitaux de départements de soins palliatifs au sein desquels médecins et personnel soignant s'efforcent d'aider les personnes non pas à guérir et vivre mieux mais à mourir mieux. Ils assument désormais des fonctions qui relevaient traditionnellement des proches du mourant, parents ou amis et, si la personne appartenait à une religion, ceci entraînait la présence selon les cas d'un prêtre qui lui administrait l'extrême-onction, d'un pope qui lui administrait le saint sacrement ou de représentants d'autres confessions. Que peuvent donc apporter médecins et personnel soignant à une personne en fin de vie à part leur compassion et leurs attentions alors qu'ils ne sont ni des membres de sa famille et ne sont investis d'aucune mission religieuse{1} ?

Tout en sachant qu'a priori aucun historien ni aucun anthropologue n'avait de réponse à ces questions d'actualité, il nous a semblé utile de demander à un certain nombre d'entre eux, spécialistes de sociétés différentes de la nôtre, soit dans l'espace soit dans le temps, d'examiner leurs matériaux et de nous résumer leurs connaissances portant sur les représentations de la mort et le traitement du mort dans la société dont ils sont le spécialiste. Treize ont accepté de jouer le jeu et si on y ajoute notre propre contribution sur les Baruya nous disposons de quatorze ensembles de représentations et de pratiques que des sociétés très différentes ont élaborés à des époques diverses pour donner sens à la mort et disposer des morts. Parmi ces quatorze contributions, cinq traitent de la Grèce et de la Rome antiques, du judaïsme, de l'islam et du Moyen Âge chrétien et sont le fait d'historiens. Deux concernent l'Inde et la Chine, deux continents qui offrent aux anthropologues l'immense richesse de traditions écrites accumulées sur des dizaines de siècles et sur lesquelles ils adossent leurs données de terrain. Les sept autres contributions sont écrites par des anthropologues dont les analyses reposent presque exclusivement sur des observations sur le terrain, fruit d'une immersion prolongée au sein de la société qu'ils avaient choisi d'étudier. Deux d'entre elles concernent l'Asie : les Ouzbeks de Samarcande dans l'Asie Centrale et les Thaïs du Sud-Est asiatique. La première enrichit notre connaissance des transformations de l'islam contemporain dans une société post-soviétique, l'autre analyse une société où le bouddhisme s'oppose tout autant qu'il se combine au taoïsme voire au confucianisme. Les cinq dernières sociétés étudiées appartiennent à l'Australie, pour les Ngaatjatjarra, à la Mélanésie, pour les Baruya et les Sulka, et à l'Amazonie, pour les Tikuna et les Miraña.

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07/03/2024 410 pages 11,00 €
Scannez le code barre 9782271150325
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