#Imaginaire

Sumerki

Dmitry Glukhovsky

Quand Dmitry Alexeïevitch, traducteur désargenté, insiste auprès de son agence pour obtenir un nouveau contrat, un étrange texte lui échoit. C'est le récit d'une expédition dans les forêts inexplorées du Yucatán au XVIe siècle, armée par le prêtre franciscain Diego de Landa. Et les chapitres lui en sont remis au compte-gouttes par un mystérieux commanditaire. Aussi, quand l'employé de l'agence est sauvagement assassiné et que les périls relatés dans le document s'immiscent dans son quotidien, Dmitry Alexeïevitch prend peur. Dans les ombres du passé, les dieux et les démons mayas se sont-ils acharnés à protéger un savoir interdit ? A moins que le manuscrit espagnol n'ait fait perdre la raison à Dmitry Alexeïevitch. Alors que le monde autour de lui est ravagé par des ouragans, des séismes et des tsunamis, le temps est compté pour découvrir la vérité.

Par Dmitry Glukhovsky
Chez LGF/Le Livre de Poche

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Genre

Science-fiction

LA INICIACIÓN

 

Que nous reprîmes notre route sur ce sacbé et que, si je devais en croire les étoiles, nous allions en direction du sud-est. Que durant les premières heures notre progression fut étonnamment aisée car pour la première fois depuis longtemps nous marchions sur une route pavée et non sur le sol traître des marais.

 

Pourtant, cette aisance avec laquelle nous progressions était trompeuse. Et, maintenant que je considère cette route maudite comme un être vivant, je pense qu’elle appâtait ainsi les étrangers exprès, les aguichait par ses pavés réguliers et par la vue ouverte sur le ciel qu’elle offrait au-dessus des têtes. Nous nous étions déjà interrogés sur les raisons qui poussaient la faune et la flore à l’éviter, laissant ainsi la voie toujours propre et dégagée.

 

Qu’au bout d’un certain temps notre troupe fut victime d’un phénomène sinistre : notre progression devint pénible, chacun de nos pas nous demandait un grand effort comme si le sacbé buvait notre vitalité a chaque fois que nos pieds effleuraient ses pierres.

 

Qu’une fois que j’eus pris conscience de cela je demandai des explications à Juan Nachi Cocom, notre guide, et qu’il ne me cacha pas la vérité et m’apprit que cette route avait été enchantée par d’anciens sorciers de son peuple. Il ajouta qu’il ne lui avait jamais été donné de venir dans ces contrées et qu’il ne nous guidait que grâce aux indications qu’il avait reçues de vieillards consultés par lui avant notre départ. Et que ces derniers l’avaient mis en garde contre les capacités magiques de la route du Destin, mais qu’il avait alors prié la Sainte Vierge pour trouver la force de chasser ses doutes et juguler sa peur. Et qu’il craignait désormais que les dieux espagnols ne fussent jamais venus dans ces contrées et que ses maîtres d’antan y jouissent encore de leurs pleins pouvoirs.

 

Que je dus une fois de plus le consoler, le menacer et le convaincre de la toute-puissance de Jésus-Christ Notre-Seigneur et de sa sainte mère et lui rappeler que, face à leur gloire, les petits dieux autochtones n’étaient que des morceaux de bûche promis à la décomposition et à l’oubli. Que mes mots eurent sur lui l’effet voulu et qu’il se calma et me pria seulement de ne pas offenser les dieux indiens tant que nous nous trouvions sur leurs terres, et non à Mani, ou les murs épais de la forteresse et les crucifix du monastère nous protégeaient.

 

Qu’avec l’arrivée des ténèbres nocturnes une terreur, dont nous ne comprenions pas l’origine, impossible à décrire, s’empara de nous. Et que cette terreur exerçait un tel pouvoir tant sur les soldats que sur Vasco de Aguilar, le frère Joaquin et moi-même que, d’un tacite accord, nous nous arrêtâmes tous pour établir un camp là ou nous nous trouvions et ne reprendre la route qu’aux premiers rayons du soleil.

 

Que nous passâmes cette nuit dans un état de grande angoisse et, malgré la fatigue engendrée par la longue marche, aucun d’entre nous ne put fermer les yeux, car à peine plongions-nous dans un demi-sommeil que des bruits étranges aux alentours nous réveillaient aussitôt.

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trad. Denis-E Savine
14/03/2018 504 pages 8,40 €
Scannez le code barre 9782253083498
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