Pour Eliahu
fils d’Elisha
fils d’Eliézer
fils de Shlomo
fils d’Eliézer
Arbaa nikhnessu lepardés : ils étaient quatre Sages à pénétrer dans le verger de la connaissance secrète. Le fils d’Azzaï a regardé et a perdu la vie. Le fils de Zoma a regardé et a perdu la raison. Elisha, le fils d’Abouya, a regardé et a perdu la foi. Seul Rabbi Akiba est entré en paix et est sorti en paix.
Pourquoi dis-tu, mon jeune ami, que le bonheur n’existe pas ? Que l’amour n’est qu’illusion ? Même si c’est vrai ; pourquoi le dire ? Et pourquoi le dire puisque c’est vrai ?
Autrefois, tu as aimé une femme gracieuse et belle qui vivait de l’autre côté des océans et des montagnes. Et tu en souffrais.
Eh bien, dans ce lointain Orient où elle espérait partager des moments privilégiés avec toi, elle reste gracieuse et belle. La tête inclinée, en souriant, elle t’attend. Et chaque fois que mon regard rencontre le sien, je sais que l’amour rend fou et heureux.
Elle a des yeux sombres et un sourire d’enfant effrayé. Je l’ai cherchée toute ma vie. Est-ce elle qui m’a sauvé de la mort muette que caractérise la résignation à la solitude ? De la folie en phase terminale aussi, je dis bien terminale, comme on parle d’un cancer quand il est incurable ? Oui, cette folie dans laquelle on pourrait trouver un refuge, sinon le salut ?
C’est d’elle, de la folie, que je vous parlerai, de la folie chargée de souvenirs et qui a des yeux comme tout le monde ; mais dans mon histoire ils sont comme ceux d’un enfant souriant qui tremble de peur.
Vous me demanderez : Un fou qui sait qu’il est fou, l’est-il vraiment ? Ou encore : Dans un monde fou, le fou conscient de sa folie n’est-il pas le seul à être sain d’esprit ? Mais ne courons pas trop vite : Si vous deviez décrire un fou, comment l’évoqueriez-vous ? Un étranger à la figure de bronze ? Souriant mais sans joie, les nerfs à vif ; quand il entre en transe, ses membres s’agitent, toutes ses pensées se bousculent ; il a, souvent, des décharges électriques non pas dans son cerveau mais dans son âme. Ce portrait vous convient-il ? Continuons : Comment parler de la folie sinon en se servant d’un langage réservé à ceux qui la portent en eux-mêmes ? Si je vous disais qu’en chacun de nous, malade ou bien portant, se trouve une part cachée, une zone secrète qui s’ouvre sur la folie ? Un faux pas, un mauvais coup du destin suffisent pour nous faire glisser ou tomber sans espoir de jamais nous relever. Fautes d’inattention, fêlures de la mémoire ou erreurs de jugement peuvent provoquer une série de chutes. Impossible alors de se faire comprendre par ce que l’on appelle, plutôt bêtement, son âme sœur. Si vous n’admettez pas cela, ce sera grave pour moi, mais vous ne devrez pas me plaindre. Les larmes creusent parfois leurs sillons, mais jamais en profondeur, en tout cas pas assez.
Voilà ce que, pour commencer, vous devez savoir.
Extraits
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