#Roman francophone

La vie sauve

Marie Desplechin, Lydie Violet

" A la fin du mois d'août 2001, alors que je suis installée dans mon bureau, au premier étage de la maison d'édition où je travaille, ma vie bascule. Littéralement, elle tombe par terre. " Finie, l'assurance aveugle de durer toujours. Finis, le jeu social et ses divertissements. Fini, le confort d'une société construite par et pour ceux qui vont bien. Est-ce la fin de tout ? Non. Car dans l'expérience extraordinairement violente qui consiste à affronter l'idée de sa propre disparition, on apprend beaucoup. Sur la force des instants. Sur le courage et la fragilité. Sur les puissances de l'amitié. Et sur notre capacité à rire. De tout. La vie est une maladie mortelle. Mais c'est la vie. Marie Desplechin et Lydie Violet ont écrit ce livre ensemble, pendant de longs mois, sans certitude de jamais le terminer. Ni entretien, ni témoignage, ni récit à deux voix, c'est, à force d'écoute et de partage, un livre où le " je " qui s'exprime est celui d'un seul auteur.

Par Marie Desplechin, Lydie Violet
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

Littérature française

À Kim.
À Simon.

 

Le plus court chemin de soi à soi, c’est l’autre.

PAUL RICŒUR

 

Je ne vous ai jamais rencontrée. Si, quelques secondes, en juin 2005, au cours d’une fête célébrant le succès de votre livre. Ce fut si bref, au milieu de tant de monde, qu’on peut bien dire que je ne vous ai pas rencontrée. Pourtant, je vous connais, parce que je vous ai lue. Et ce livre est si vrai, si intime et proche que j’ai plus ou moins l’impression d’être de vos amis. Comme sans doute beaucoup de celles et ceux qui vous ont lu, vous lisent, ou vous liront. Presque tous, tous peut-être, partagent ce sentiment.

Pourquoi ? Je crois l’avoir compris, ce n’est d’ailleurs pas un bien grand mystère : on se sent en terrain partageable parce que vous parlez vrai, sans fard, de l’essentiel – notre fin à l’horizon, inéluctable, le compte à rebours en marche, et la vie qui continue, toujours, malgré tout, entière, entamée mais entière. C’est ainsi qu’on se découvre votre ami, d’une façon très particulière parce que très universelle. Ce n’est pas l’amitié de la longue fréquentation, des années communes et des aventures complices. Ce serait plutôt quelque chose comme l’amitié de la condition humaine elle-même, si ces mots n’étaient pas usés par la grandiloquence.

Ce sentiment de proximité avec vous, il s’ancre pour moi dans cette confiance immédiate, non réfléchie, due au partage d’une certaine nudité de l’expérience. Avec vous, en vous lisant, on entend directement, sans contorsion, sans distorsion, ces réalités qui résident dans la vie même : santé et maladie, effroi et enthousiasme, tendresse et absurdité, limites et infinités, impasses et ténacités. Évidemment, ce sont vos mots, vos angoisses ou vos rires, vos phrases et vos expériences. Évidemment aussi, il y a entre vous et moi de multiples différences : je suis un homme, je ne me connais pas de maladie mortelle, mon métier consiste à forger des idées (ce qui suppose plusieurs sortes d’opérations : les fondre, les marteler, les souder ou les découper, parfois les élimer ou les polir) et je n’ai pas « traversé l’enfer pieds nus ».

Malgré tout, ce qui nous relie, je le sens, c’est un rapport à une vérité nue de la vie. Celle où l’on ne se raconte pas d’histoires, ou le moins possible, ou bien en sachant que ce sont des histoires, et qu’on ne peut pas faire autrement, mais qu’il n’est pas question d’y croire pour de vrai – même si on en avait très envie, c’est devenu inaccessible. Dans cette vérité nue, il n’y a pas de solution et pourtant tout continue. Il y a de la terreur et pourtant on rit. On s’étourdit et malgré tout on pense.

Voilà pourquoi j’ai envie de vous adresser quelques mots à propos de la vie philosophique. Je ne crois pas que les philosophes aient de bien grands privilèges : ils meurent, comme tout le monde, ils crèvent de trouille, eux aussi, et ils ont froid, comme les autres, dans les couloirs des hôpitaux. Ils n’ont qu’un privilège, somme tout modeste, mais en un sens immense : ils essaient de penser à ce qu’on peut faire avec cette histoire, au premier regard insensée : l’existence. Ils s’efforcent, quoi qu’il advienne, de vivre un peu plus loin, plus intensément, plus librement. Ils s’exercent pour cela à camper dans le temps, en fixant leur abri éphémère dans la pensée.

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07/01/2005 127 pages 12,20 €
Scannez le code barre 9782020794503
9782020794503
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