« A travers les sons innombrables
qui peuplent le songe diapré de l’univers
Un chant imperceptible appelle
celui qui écoute en secret. »
Friedrich Schlegel
La Mercedes du commissaire Demange tourna dans l’allée de jonquilles récemment gravillonnée. Elle s’arrêta devant le bungalow qui portait le numéro 8. Un double portail blanc était ouvert sur une allée formée de dalles en faux marbre.
Une rocaille avec des plantes sèches menait à la porte du garage.
Demange, à pied, pénétra dans le garage où était stationnée une Austin Morris noire. Il essaya d’ouvrir la porte de fer qui menait aux étages mais elle était verrouillée. Demange remit son chapeau, monta la pente cimentée et sonna à la porte d’entrée.
Un homme svelte, dans un costume gris défraîchi, lui ouvrit la porte.
— Commissaire Demange, du SRPJ de Rennes. C’est bien vous qui avez déposé une plainte pour effraction ? Mais sans vol…
— Oui, entrez…
Demange suivit un couloir tapissé d’un papier peint sinistre. On le fit entrer dans une chambre d’enfants encombrée de stations-service miniatures et de modèles réduits d’avions de la Seconde Guerre mondiale. L’homme en gris montra la porte vitrée à l’armature métallique forcée et les cartonnages qui remplaçaient la vitre en miettes.
— Ce n’est pas moi qui ai porté plainte.
— Qui est-ce ? demanda Demange en sortant un calepin.
— Mon épouse.
— Vous êtes Roland Sallenave ?
— Oui.
— Profession ?
— Comédien.
— Amateur ?
— Non. Je travaille au théâtre municipal de Rennes.
— Face au commissariat central ?
— C’est ça.
Demange examina un instant la porte-fenêtre, la poignée métallique, et les morceaux de verre qui brillaient dehors sur la pelouse.
Un enfant en salopette bleue et cape de Zorro débarqua, une poule sur son épaule.
— C’est mon fils Hubert.
— Il était là quand a eu lieu l’effraction ?
— Non. Nous étions devant la télévision.
— Et vous n’avez rien entendu ?
— Je mets la télévision très fort.
Demange sortit sur le chemin de ciment qui entourait le bungalow. Un lanternon brillait. Le brouillard de la nuit tombait sur le quartier. D’autres fenêtres étaient éclairées. Les allées étaient désertes. Roland Sallenave offrit un porto au commissaire Demange.
— Hubert ! Prends ton bain ! cria Sallenave en remplissant des petits verres à pied torsadés.
Sallenave avait de longues mains et il sourit. Demange sentit qu’il faisait un effort pour sourire.
— Votre épouse est là ?
— Je l’attends.
Il consulta sa montre.
— Elle revient vers huit heures. Moi je file au théâtre.
— Vous jouez ce soir ?
— Oui, dans Hamlet.
— Ah !
Il consulta sa montre.
— Je jouerai Hamlet dans une heure environ.
Demange inspecta les lieux du regard.
— Vous voulez que je vous fasse visiter ?
Souriant, Demange dit :
— Non, ce n’est pas la peine.
— Est-ce que vous avez une idée, commissaire ?
Demange hocha la tête.
Extraits
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