Le fonds qui alimente ce travail m’a été confié par Jacques Roubaud. Les documents (lettres, photographies, textes, etc.) ont été produits durant leur vie conjointe : de décembre 1979 (date de leur rencontre) à la mort d’Alix Cléo Roubaud en janvier 1983.
Rares sont les documents antérieurs.
Les passages cités sont : des extraits du Journal d’Alix Cléo Roubaud (éd. du Seuil, « Fiction & Cie », 1984) dans la version rééditée de 2009, des retranscriptions exactes de documents appartenant au fonds Alix Cléo Roubaud (lettres, carnets, essais, etc.) ou des moments d’entretiens que j’ai pu mener avec ceux qui l’ont connue.
La ponctuation d’Alix Cléo Roubaud, souvent inhabituelle, et les espaces irréguliers entre les mots ont été respectés.
Les photographies reproduites dans cet ouvrage, à l’exception de trois, sont inédites.
Alix Cléo Roubaud est née le 19 janvier 1952 à Mexico. Elle est morte le 28 janvier 1983 rue des Francs-Bourgeois à Paris quelques jours après son trente et unième anniversaire. Elle est le premier enfant de Marcelle et Arthur Edward Blanchette. Son frère Marc naît en 1957 à Pretoria en Afrique du Sud. Fille de diplomate, son enfance a été rythmée par des voyages et déménagements au gré des nominations de son père au Mexique d’abord, puis en Égypte, au Portugal et en Grèce. Ce mode de vie cossu mais nomade l’a amenée à entretenir dès la prime adolescence de longues correspondances avec les amis et proches qu’elle avait dû quitter. Je dispose aujourd’hui d’environ huit cents lettres, mots et télégrammes, dont un tiers environ a été rédigé par elle. Ce livre est nourri par ces documents.
Alix Cléo Roubaud entre à l’université d’Ottawa en 1967, âgée de quinze ans, pour étudier, de manière un peu désordonnée, la psychologie, la littérature, l’architecture, avant de choisir la philosophie. Elle suit également quelques cours ponctuels de chinois et de journalisme à Carleton. En 1972, désirant s’éloigner du giron familial, la jeune femme quitte le Canada pour suivre des études de philosophie à Aix-en-Provence. Ce choix est aussi motivé par des raisons de santé : le climat méditerranéen l’aide à soigner l’asthme dont elle souffre depuis l’enfance et qui s’aggrave avec le temps. Trois ans plus tard, en 1975, elle part pour Paris et s’inscrit au département du champ freudien à l’Université Paris-VIII. À vingt-quatre ans, elle commence une thèse de doctorat sous la direction de Jacques Bouveresse. Son sujet : « Wittgenstein : style et pensée. Remarques sur l’écriture philosophique. » Elle n’a jamais terminé ses recherches.
En 1977, elle fait la connaissance de W. et vit avec lui une histoire sincère et tumultueuse. Le jeune homme, d’origine allemande, étudie l’architecture. À l’intérieur d’une enveloppe trouvée dans l’appartement d’Alix, j’ai découvert les lettres et mots échangés par les deux amants. Des notes tendres, vraisemblablement laissées pour l’autre encore endormi, succèdent à des courriers de reproches et d’insultes. Il semble que W. et Alix aient aussi beaucoup échangé : elle apprend l’allemand – ses carnets de vocabulaire et de grammaire l’attestent – et déchiffre ainsi Wittgenstein dans le texte, ils réalisent des photographies ensemble. Certaines, morbides, ont été prises après qu’Alix a ingéré une dose mortelle de somnifères, juste avant l’arrivée des secours. Elle avait, m’a-t-il dit lors d’un entretien en février 2010, choisi le cadre. Ces images à la lisière de la mort ne sont pas conservées dans le fonds Alix Cléo Roubaud. Je ne les ai vues qu’une seule fois, à la hâte. W. les a gardées.
Extraits
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