INTRODUCTION
Pour la toute première fois dans l'histoire de la vie, une espèce, la nôtre, manipule la force de l'évolution à une vitesse industrielle : elle modifie artificiellement le patrimoine héréditaire des êtres vivants et traverse les barrières sexuelles entre les règnes. Il serait préjudiciable, voire malsain de ne pas s'interroger sur les régulations sanitaires et environnementales mises en place par les gouvernements pour contrôler une telle puissance, décrite soit comme un progrès contre la faim, soit comme une pollution génétique automultiplicatrice.
L'ensemble des populations du monde consultées depuis le milieu des années 1990 sur les OGM* agricoles préfère ne pas en manger ou avoir le choix. En Inde, en Indonésie, au Japon, au Royaume-Uni, en France…, les OGM – cultivés sur plus de cent millions d'hectares dans le monde ! – sont la cause de suicides ou d'emprisonnements ; on brûle, on arrache, on insulte, on accuse, on se lance des arguments inconciliables à la tête jusqu'à créer un climat de haine entre pro- et anti-OGM. Les lobbies, quant à eux, déguisent la vérité… C'est pourquoi cet ouvrage se propose de donner une grille de lecture pragmatique de ce qui change et divise le monde dans un des domaines majeurs du XXIe siècle : la génétique.
Le continent américain continue à produire plus de 95 % des OGM alimentaires – hors cotons chinois et indien – sans vouloir les étiqueter ni les tester préalablement sur les animaux plus de quelques mois. Il les banalise, s'insurgeant contre le protocole international de biosécurité1 qui contrôle les échanges aux frontières d'OGM vivants2 dans plus de cent cinquante pays, comme il a été fait pour la régulation du climat depuis les accords de Kyoto. Les États-Unis, principaux producteurs du monde, n'ont pas voulu s'associer à cet accord adopté à Carthagène en 2000 et soutenu par le programme des Nations unies pour l'environnement.
Les OGM, protégés par des brevets détenus par quelques multinationales, et représentant pour cette raison un des plus grands enjeux économiques de tous les temps, ont été conçus dès les années 1980 pour remplacer à l'échelle mondiale les plantes qui sont à la base de l'alimentation animale et humaine (en particulier le soja et le maïs3). Mais les principaux pays producteurs n'ont pas conçu de réglementation pour que les aliments issus de semences génétiquement modifiées soient testés sur la santé à moyen et à long terme, puis étiquetés et ainsi distingués des autres. Une partie importante du débat est née de là. Nous venons d'ailleurs de montrer, fin 2009, les effets secondaires de trois maïs OGM commercialisés sur la santé des mammifères : entre autres, des signes de toxicité hépato-rénale, révélés par une contre-expertise publique des données confidentielles de la firme Monsanto elle-même4. Nous y reviendrons. Cent trente pays, emmenés par l'Union européenne, ont alors décidé quant à eux d'évaluer ces aliments spécifiquement, de les détecter et de les identifier dans les produits importés grâce à des méthodes et selon des critères qu'il revient néanmoins à chacun de définir : après quarante années de progrès constants dans le domaine agroalimentaire, ils ont décidé de pouvoir dire au consommateur ce qu'il mange vraiment et de lui donner le choix. Ces nations ont ainsi suivi les opinions publiques, devenues sensibles aux questions d'environnement et aux orientations de société.
Extraits
Commenter ce livre