#Essais

Andrea Doria. Un prince de la Renaissance

Antoine-Marie Graziani

Complexe et ambiguë, la personnalité d'Andrea Doria (1466-1560) est on ne peut plus discutée. Tour à tour peinte comme celle d'un patriote, d'un combattant cruel ou d'un prince de la Renaissance, la longue vie d'Andrea Doria ne saurait être résumée en un coup de crayon. Homme de guerre dans l'âme, condottiere impitoyable pour ses ennemis, il fut de toutes les guerres d'Italie. Politique lucide et cynique au service des puissants de son temps, il sut soutenir, au gré des circonstances, François Ier, Charles Quint et Innocent VIII. Restaurateur de la liberté génoise à la Renaissance, il joua tant sur les rivalités au sein de la Commune que sur la violente concurrence à laquelle se livraient le roi de France et l'empereur. Stratège naval de génie, il sema la terreur au sein des flottes turque et barbaresque, des côtes de la Sicile aux rivages tunisiens. A l'aune de ce parcours sinueux et parfois contradictoire, Antoine-Marie Graziani dessine le portrait nuancé d'un homme confronté aux âpres réalités du Siècle d'Or. Fils des puissantes cités marchandes italiennes, architecte et promoteur du " siècle des Génois ", Andrea Doria n'incarnerait-il pas avant tout un idéal caractéristique de la Renaissance ?

Par Antoine-Marie Graziani
Chez Editions Tallandier

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Genre

Histoire internationale

 

 

 

 

 

AVANT-PROPOS

 

 

Un vieillard est assis au pied du château du navire. Entouré de différents personnages, il regarde un jeune garçon debout devant lui. Au-dessus de sa tête, une Renommée tient une couronne de palmes. L’homme paraît très grand, comme disproportionné par rapport aux objets qui l’entourent. Le prince de Melfi, Andrea Doria, puisque c’est de lui dont il s’agit, est le principal héros du tableau. Mais c’est un héros finissant. Si le bateau et les personnages nageant aux environs sont là pour qu’il soit le « dieu de la Mer », on est loin de sa représentation classique, le trident de Neptune ou la rame à la main.

De fait, l’autre héros du tableau est le frêle enfant qui se présente devant lui, son petit parent, Giovanni Andrea Doria, futur amiral de la flotte de Philippe II d’Espagne, puis de Philippe III. Sous les pieds de celui-ci, on peut lire « Genuae spes altera magna  » (« l’autre grand espoir de Gênes »). Ce tableau de Vincentini a pour thème « le passage des consignes du prince Andrea à Giovanni Andrea Doria ». L’œuvre symbolise la volonté affichée d’Andrea Doria de « reconstituer à travers la personne de Giovanni Andrea Doria l’unité patrimoniale et de pouvoir qu’il avait réussi à se construire au lendemain de sa grande alliance avec Charles Quint ».

Contrairement à son petit parent Giovanni Andrea, Andrea Doria n’a pas écrit d’autobiographie. On chercherait bien en vain un ouvrage de sa main comme celui que laissa son parent et ennemi intime Antonio Doria. On ne connaît de lui que les quelques dizaines de lettres que conservent différents dépôts d’archives et ses propos relatés souvent par des tiers, manifestations d’une pensée rapide. Franzino Della Torre, rapportant un de ceux-ci, explique à Federico Gonzaga en 1535 : « Aujourd’hui, toute la Chrétienté est divisée en deux partis, l’un est celui de l’empire, l’autre celui de la France et il est pratiquement nécessaire de passer par un de ces deux chemins pour un homme d’importance. » Le monde politique étant divisé en deux, il convient de faire le bon choix. Et en cette année, il considère que le meilleur est, sans aucun doute, celui de Charles Quint. Tout est dit en peu de mots : au service de l’un ou de l’autre, c’est lui qui choisit. Le reste est affaire de respect.

Bernardo Navagero, l’ambassadeur vénitien, écrit ainsi en juillet 1546 : « Je dirai seulement qu’il n’y a aucun homme d’une quelconque nature pour qui l’Empereur aie plus de respect que lui, parce qu’il reconnaît que c’est grâce à lui s’il a pu, en conservant Gênes, passer tant de fois d’Espagne en Italie et d’Italie en Espagne, grâce à lui s’il a pu conserver de nombreux États qu’il aurait perdus sinon. Et finalement, il reconnaît tenir de lui toute la réputation qu’il s’est faite dans les choses de la mer et il veut l’appeler et le traiter comme s’il était son père. »

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22/05/2008 285 pages 25,00 €
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