INTRODUCTION
Depuis que je suis petite, je “joue” à l’école. J’en ai même fait mon métier : depuis les années 1980, je suis professeure des écoles. D’abord, dans l’enseignement catholique. Depuis 2006, je suis directrice de l’école du Colibri, une école élémentaire de 35 élèves fondée et installée au cœur du centre agroécologique des Amanins, dans la Drôme. Je désirais en effet créer un lieu qui prenne en compte le constat suivant : notre planète comptant 7 milliards d’individus mais disposant de ressources limitées, il va nous falloir apprendre à coopérer… Or, nourris par une culture individualiste, nous, adultes, ne savons pas bien le faire.
En plus du programme scolaire habituel, c’est cela que nous apprenons aux enfants de l’école, aussi bien à travers le travail en classe où ils sont en pédagogie de la coopération que par l’enseignement spécifique d’éducation à la paix. Cette pédagogie est apparue comme une évidence dans notre projet car un enfant intègre d’autant mieux ses apprentissages qu’il est invité à chercher puis à échanger le fruit de son travail avec d’autres enfants. Une telle approche bouscule les habitudes : ce processus d’échange avec les autres engendre du débat, de la rivalité mais il donne du sens aux acquisitions et développe la créativité. De plus, grâce à cette pédagogie, nous pourrions transformer la phrase de Descartes et affirmer : “Je parle donc je suis.” En échangeant avec l’autre, je “suis” doublement : je deviens conscient de ce que je sais car je l’intègre. Et j’existe en face de cet autre qui m’écoute. Ce processus est exigeant pour l’élève comme pour l’enseignant. Mais c’est cela qui nous enrichit, grands et petits… et qui nourrit ce métier qui me passionne.
Dans notre société où notre rapport très hiérarchisé à l’éducation fait croire un peu vite que celui qui n’apprend pas comme les autres est nul, c’est notre devoir d’enseignant d’amener chaque élève aussi haut qu’il peut aller. Mais notre mission ne se limite pas simplement à instruire les enfants. Il nous faut également développer leurs compétences sociales et élever les consciences, pour leur apprendre l’art de la rencontre… La rencontre avec un autre qu’ils ne connaissent pas encore, avec un savoir qu’ils n’ont pas encore.
Un tel enjeu, face à des enfants par nature dépendants de l’adulte, nous engage en tant qu’enseignants : nous avons la responsabilité de nous connaître nous-mêmes pour accompagner aux mieux les enfants et être à leur écoute. C’est cette posture que je décris dans ce livre, ainsi que les outils dont je me sers dans ma pratique quotidienne. Je ne présente ici ni une méthode ni des recettes mais plutôt le résultat de trente ans de recherches, que chacun s’appropriera comme il l’entend et enrichira de sa personnalité. Et comme cette expérience n’existerait pas sans les élèves, de multiples tranches de vie de l’école sont relatées tout au long du livre, pour laisser une place aux enfants et témoigner combien ils ont le don de fabriquer du vivant, du frais, du lien à l’autre… et d’enchanter leurs enseignantes !
Extraits
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