#Roman francophone

Une très vieille petite fille

Michel Arrivé

Une très vieille dame, Geneviève Briand-Lemercier ? C'est ce que l'état civil indique : quatre-vingt-onze ans. Mais en même temps une toute petite fille. Elle ne résiste à aucune tentation et se trouve réduite, chaque fin de mois, à vendre chez Gibert quelques-uns de ses livres. Et elle suit toujours à la lettre la consigne, donnée par son père il y a trois quarts de siècle, d'écrire chaque jour quelques lignes de son journal. Cependant, l'angoisse la point : Madame Bertrand, la prestigieuse professeure de graphologie et d'astrologie transcendantales, dont elle paie à prix d'or les leçons, lui donne la consigne de ne plus écrire, et même de " désécrire ". C'est que le poids de ses écrits est un obstacle à sa longévité. L'Immortalité ? Elle ne pourra l'atteindre qu'à condition de se défaire de tous ses vieux cahiers. La vieille dame entreprend dans la douleur son travail de " désécriture ". Mais peu à peu elle s'interroge : ne serait-il pas plus commode de tuer les êtres plutôt que les lettres ?

Par Michel Arrivé
Chez Champ Vallon Editions

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Genre

Littérature française

 

 

 

 

AVERTISSEMENT

 

 

 

Geneviève Briand-Lemercier est décédée dans son appartement de Montrouge, le 1er septembre 2014, à la veille de son cent unième anniversaire. Elle avait laissé en évidence sur le secrétaire de son salon un gros cahier relié en toile noire.

Ce cahier est semblable à ceux qui sont décrits page 31 dans le texte qu’on va lire. À une différence près: sur les 400 pages, préalablement numérotées en rouge à la machine, que comportait originellement le cahier il n’en subsiste que 194, numérotées de 3 à 196. Les 206 autres pages ont été soigneusement découpées, au rasoir ou au cutter, en sorte qu’il est impossible d’en repérer aucun reste. L’auteure a substitué une pagination continue, à l’encre noire, à la pagination originelle, soigneusement dissimulée par une épaisse couche d’enduit blanc.

Les 194 pages qui subsistent sont entièrement couvertes par un texte manuscrit parfaitement calligraphié: on n’y repère aucune rature ni aucun ajout. L’auteure a sans doute préféré, chaque fois qu’elle introduisait une correction, découper la page où elle se situait et la recopier entièrement.

C’est ce texte qui est ici révélé au lecteur. Point tout à fait dans son entier. On a en effet trouvé, glissée entre la dernière page et la couverture de toile, une enveloppe de papier bulle. Elle porte, calligraphiée en écriture ronde à l’encre rouge, la mention «Passages secrets». Elle contient trois feuillets découpés dans le registre. Chacun d’eux est porteur, au recto et au verso pour deux d’entre eux, seulement au recto pour le troisième, d’un fragment de texte, dont l’auteure a prévu avec précision l’insertion dans le récit: pour chacun des trois segments, elle a indiqué, à l’encre rouge, le numéro de la page où il devrait apparaître. Elle a poussé le soin jusqu’à recopier la phrase à la suite de laquelle s’insérerait chacun des trois fragments. On aperçoit sans peine l’ambiguïté des intentions de l’auteure: souhaitait-elle ou non la publication de ces «Passages secrets»? En accord avec Mesdames Lafont-Lemercier et Lemercier-Jumel, respectivement fille et belle-fille de l’auteure, on a pris le parti de les laisser «secrets». Une éventuelle édition critique pourra, dans l’avenir, les révéler.

Dans le manuscrit, le texte ne comporte pas de titre. La suppression des pages 1 et 2 a-t-elle eu pour visée (ou, simplement, pour résultat?) de supprimer – de désécrire, selon le mot de l’auteure – un titre préalablement formulé? Cette hypothèse assez tentante ne sera sans doute jamais confirmée. On a cru devoir pallier cette absence: le titre qui a été retenu après de longues délibérations avec la fille et la belle-fille de l’auteure a paru s’imposer avec une nécessité particulièrement impérieuse.

Restait à caractériser l’ouvrage, là encore dans le silence de l’auteure. Après avoir hésité entre récit et roman, on a choisi le second terme: il correspond sans doute mieux au mode de lecture qui sera adopté pour le texte.

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16/08/2006 245 pages 18,00 €
Scannez le code barre 9782876734470
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