#Essais

Rester parents malgré la détention. Les Relais enfants-parents et le maintien des liens familiaux

Jean Le Camus

La rupture des relations parents-enfants, consécutive à l'incarcération du père ou de la mère, peut avoir de graves conséquences sur le développement affectif, social et intellectuel de l'enfant. Par ailleurs elle remet en question la parentalité qui ne peut s'exercer au quotidien. Or il apparaît que le maintien des liens familiaux, d'une part aide l'enfant éloigné de son père (ou de sa mère) incarcéré(e) à grandir, et d'autre part contribue à la réinsertion des personnes détenues. Cette cause justifie et motive, depuis 1996, l'action des Relais enfants-parents, associations orientées vers l'action sociale en prison. Cet ouvrage rend compte de l'engagement du relais entants-parents Midi-Pyrénées. En effet, sept ans après sa création, celui-ci coordonne et soutient différentes modalités d'intervention psychosocio-éducative : accompagnement de l'enfant au parloir, accompagnement de jeunes enfants vivant en prison avec leur mère chez des assistantes maternelles à l'extérieur, entretiens individuels avec les détenus, ateliers d'écriture " je communique avec mon enfant ", espace de parole comme soutien à la maternalité, action de médiation auprès des familles. L'analyse des pratiques des auteurs constitue l'ossature de ce livre mais, chemin faisant, on y trouvera l'occasion de réfléchir sur le bien-fondé de ce type d'engagement, sur le fonctionnement d'une organisation implantée à l'intérieur et à la périphérie du milieu carcéral, voire sur les principes et la mise en application de la politique pénitentiaire de notre pays.

Par Jean Le Camus
Chez Eres

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Editeur

Eres

Genre

Psychologie, psychanalyse

 

 

 

 

 

De la rupture au maintien des liens

 

 

Alain Bouregba [*] 

 

 

Toute ontogenèse suppose un processus de séparation. Grandir, c’est intérioriser ses objets d’attachement au point de pouvoir supporter qu’ils s’éloignent. Les progrès de l’individualisation, chez l’enfant, s’accompagnent d’une meilleure tolérance à la séparation. Se séparer physiquement tout en restant présent par la pensée est un trait spécifique de la personne humaine. C’est pourquoi la séparation est à la base de la culture elle-même. Dès lors qu’il a voulu s’éloigner sans perdre, l’humain a créé les différents moyens de communication. De façon parallèle, quand il a voulu que la mort n’équivaille pas à un effacement il a créé les rites funéraires, des mises en mots et en gestes qui ont pour objet d’aider à la permanence des objets qui nous sont chers et qui se dérobent au monde des vivants. Du point de vue social, comme du point de vue individuel, le processus de séparation, loin de constituer une entrave, est une fabuleuse opportunité de création et de symbolisation.

Cependant, certaines séparations représentent de tels traumatismes qu’elles ont pour effet de compromettre voire d’interrompre le développement de l’enfant. Un vécu traumatique est une expérience que la structure psychique interne du sujet ne peut lui réfléchir ou lui représenter. L’humain ne réagit pas aux événements de façon réflexe. Ses conduites sont déterminées par la manière dont il se représente l’événement.

Dans l’hypothèse où l’événement ne peut être interprété par un sujet et ceci quelle que soit la forme d’interprétation, alors il ébranle la structure interne et équivaut à un traumatisme.

L’orage suscite la peur tant que le sujet ne peut pas lui attribuer une signification. Dès lors qu’on y voit une manifestation de la puissance d’un esprit ou d’un phénomène électromagnétique, l’orage est un phénomène prévisible auquel l’attribution d’une signification ôte l’aspect effrayant. Tant que l’enfant n’a pas accès à ces interprétations, à ces mises en mots, il attend de ces parents une réassurance palliative de son insuffisance interne. Si le parent n’est pas capable de cette réassurance, s’il ne peut substituer sa présence aux défaillances de la structure interne de son enfant, alors celui-ci peut être terrorisé par l’orage et cette terreur peut s’incruster durablement dans son inconscient.

L’exemple de l’orage et des peurs qu’il suscite permet de rapprocher le traumatisme psychique du mécanisme à cause duquel la structure psychique interne n’est plus en mesure de restituer au sujet une image de son vécu, suffisamment distancée de l’événement, pour qu’il s’y adapte non de façon réflexe mais élaborée. Un traumatisme équivaut à un événement qui, faute d’être mis en mots, met en pièces.

Quand un événement est chargé d’un trop d’émotion, celle-ci submerge la structure psychique et la rend, comme le démontrait S. Freud [1] , [2] , incapable d’ordonner sa réflexion. Cette définition du traumatisme permet de rendre compte des conditions à partir desquelles une séparation, de l’enfant et de son parent, est vécue comme un choc psychologique véhiculant des affects qui ne peuvent être ni abréagis, ni associés.

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22/02/2002 188 pages 22,00 €
Scannez le code barre 9782865869916
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