#Essais

Clinique de la déshumanisation. Le trauma, l'horreur et le réel

Jean-Richard Freymann

Quels sont les effets sur les sujets de ce que de nombreuses voix dénoncent comme des faits flagrants de " déshumanisation " affectant notre monde contemporain ? Des psychanalystes mais aussi des politiques, des médecins, des philosophes, des professeurs, des psychiatres, des psychologues, des sociologues analysent les conduites collectives et les événements les plus significatifs de cette destruction de l'humanité de l'homme et les répercussions cliniques qui en résultent. Cette déshumanisation affecte les discours et les corps, et produit des manifestations de souffrance en apparence inédites dans leur forme.

Par Jean-Richard Freymann
Chez Erès

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Editeur

Erès

Genre

Psychologie, psychanalyse

 

 

 

 

 

Déshumanisation et fantasme de « réhumanisation »

 

 

 

Jean-Richard Freymann [*]

 

 

Le malaise aujourd’hui

 

En passant de la lecture de Malaise dans la culture[1]  à Actualités d’un malaise[2] , en entendant les conférences préparatoires au congrès [3] , on peut se demander ce qui pousse plus spécifiquement le psychanalyste à poursuivre son art contre vents et marées du réel... C’est que l’être parlant se trouve confronté à plusieurs fronts :

La question sera ainsi de savoir ce qui permet au sujet parlant de poursuivre sa destinée, tout en ayant ce savoir insu. Une des clés que je voudrais proposer est l’idée du fantasme de « réhumanisation », fantasme qui n’est pas sans rapport avec celui de recréation du monde qui succède aux fracas de la déshumanisation.

La dialectique humanisation-déshumanisation ou le triptyque humanisation-déshumanisation-réhumanisation devrait avoir quelque pertinence dans le champ analytique et non pas prêter uniquement à une lecture traditionnelle du politique ou du militantisme. Mais la question est complexe.

Nous définirons ce complexe par une interrogation : comment le sujet clivé se débat-il avec un réel non symbolisable, au-delà du représentable ? L’affaire touche à la psychopathologie ; elle est sérieuse puisque la névrose elle-même est tentative d’évitement de ces fracas (traumatismes, irruption du réel, effroi…) et qu’elle va créer du symptôme.

Ainsi, à la limite, les effets de déshumanisation peuvent révéler ce qui est le plus caché de la structure du sujet, à savoir les pulsions de mort et d’autoconservation. Et c’est à ce titre que l’analyste est enseigné dans sa pratique, et peut parler, à partir de ses patients, des effets de crise d’une époque.

Aussi actualiser les choses de l’effet traumatique, c’est à la fois repenser les choses en fonction de nouveautés révélées par la pratique des instances psychiques, repenser la psychose collective et les perversions ordinaires, sans oublier certains effets pervers de la science. Ainsi la mainmise techno-médicale et le fait « d’être vu de partout » ont modifié la donne.

On pourrait penser que le citoyen postmoderne est un désabusé du traumatisme ou un addict de l’horreur. Rien n’est moins sûr si on se réfère à l’inconscient. C’est que l’horreur, l’effroi reposent aussi sur une structure d’une temporalité tout à fait particulière qu’il nous faudra détailler. C’est le modèle de la névrose post-traumatique qui nous éclairera le plus, dans la mesure où l’anticipation de l’événement est impossible. Autrement dit, c’est l’irruption ou plus précisément la brutalité du surgissement qui, par son fracas dans l’imaginaire, déstabilise le moi et le sujet.

 

 

Déshumanisation particulière et déshumanisation collective

 

En ce qui concerne la déshumanisation particulière, il est un point tournant, un phénomène de bascule qui fait qu’après une effraction du réel, à un moment, l’individu ne se retrouve plus dans le même état qu’auparavant. Qu’est-ce à dire ? Que certains actes, certaines conduites, certains passages à l’acte produisent un décentrement, une traversée du miroir, expulsant l’acteur dans la déshumanisation : c’est un coup porté ayant entraîné la mort, c’est une phrase haineuse qui aurait pu provoquer le suicide, c’est un abandon de poste qui a pu avoir pour conséquence des effets sur tout un groupe, c’est une séparation qui a provoqué un deuil interminable.

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22/09/2011 280 pages 25,50 €
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