#Essais

Soutenir et contrôler les parents. Le dispositif de parentalité

Gérard Neyrand

Cet ouvrage analyse la montée en puissance de la notion de parentalité depuis son investissement par une clinique du lien et des affiliations parents-enfant jusqu'à sa popularisation politico-médiatique dans une perspective de soutien mais aussi de contrôle des parents. Il rend compte des différentes modalités d'intervention possibles sur la parentalité et de leurs éventuelles contradictions, tant au niveau de l'enfant et de la diversification des acteurs parentaux provoquée par les ruptures conjugales et les progrès de la médecine de la procréation, qu'au niveau de la gestion collective des rapports parents-enfant qui se trouvent jugés, voire sanctionnés en cas d'échec ou de dérives.

Par Gérard Neyrand
Chez Erès

0 Réactions |

Editeur

Erès

Genre

Psychologie, psychanalyse

 

 

 

 

 

 

Introduction. L’avènement de la parentalité

 

 

 

Les années 1990 ont vu un terme apparemment nouveau, la parentalité, prendre une importance majeure dans le discours social et politique. Cela correspond bien sûr à l’importance croissante donnée par la société au fait parental, mais l’emploi public de ce « nouveau » terme indique qu’il s’agit de plus que cela : c’est la façon même de considérer le fait parental qui a changé, et ce néologisme est là pour en témoigner. La relation parent-enfant est en train de connaître sous nos yeux une promotion telle qu’elle en devient une des références majeures de l’action sociale en direction des publics précarisés, mais plus encore de la gestion politique de l’ensemble de la société.

Cet investissement par le discours public du terme parentalité, jusqu’alors réservé à des spécialistes de certaines sciences humaines (anthropologie, psychanalyse, sociologie), est révélateur de l’importance des mutations qui bouleversent le fonctionnement de la sphère privée et interpellent les pouvoirs publics quant à la gestion qu’ils doivent effectuer de la question familiale, de plus en plus recentrée sur la relation parentale [1] . La chose n’est pas aisée, car elle renvoie à un mouvement sociopolitique paradoxal, qui voit se mettre en tension des principes concurrents de gestion, lesquels vont être amenés à se confronter à propos de la parentalité.

La première dimension de ce mouvement concerne les principes pour le moins hétérogènes, du fait de leurs logiques très différentes, qui servent de références à l’organisation sociale. Si la gestion sociale est officiellement indexée aux principes politiques de la démocratie, ceux-ci doivent se combiner avec d’autres principes beaucoup plus terre à terre, ceux de l’économie libérale qui structurent la production. La gestion républicaine de la société française se veut ainsi aussi bien démocratique que libérale. Or l’organisation de la sphère privée connaît depuis près d’un demi-siècle des changements fondamentaux qui ont bouleversé l’ordre des choses antérieur. L’expression la plus visible de cette mutation est sans doute l’autonomisation de la parentalité, toujours susceptible d’être dégagée du conjugal. Mais ce résultat participe d’une évolution historique complexe que l’on pourrait résumer de façon très schématique par la promotion des valeurs de la démocratie républicaine (liberté, égalité, fraternité) dans la sphère privée, et dont l’expression se cristallise dans les années 1960-1970. Cependant cette évolution qui s’est traduite par l’autonomisation des individus, l’affirmation de l’égalité des sexes et des générations, la glorification de l’amour, conjugal et parental, s’est très vite articulée à la montée dans la sphère publique et la société civile des valeurs néolibérales issues du monde économique, porteuses d’une conception managériale de la gestion de la société.

Commenter ce livre

 

06/10/2011 171 pages 13,00 €
Scannez le code barre 9782749214634
9782749214634
© Notice établie par ORB
plus d'informations