Envoi. Bébé ou la bébé(e) ?
Michel Dugnat
De la « primauté » affirmée du pénis ou du phallus à la jalousie des hommes pour la « poche à bébé » des femmes, de la séduction originaire de l’adulte sur le bébé à l’assignation de genre par le socius, de la domination masculine dénoncée à la féminisation supposée de la société, comment le sexuel (et le sexual tel qu’il a été défini par Jean Laplanche) vient-il au bébé ?
Comment le sexe/le genre des professionnels en périnatalité, où les métiers sont majoritairement « féminisés », influent-ils sur les représentations que les parents de sexe féminin ou les parents de sexe masculin ont des soignants de sexe masculin ou des soignants de sexe féminin ? Et à quoi les bébés reconnaîtraient-ils précocement un homme d’une femme ?
Y a-t-il hiatus entre féminin et maternel, la féminité à « poussée constante » transcenderait-elle le biologique quand le maternel serait réglé par l’horloge du biologique ? Ou plutôt maternel et féminin ont-ils une fonction commune de réguler l’affect passionnel qui accompagne l’investissement, dans un cas, de l’amant masculin, dans l’autre, du nouveau-né, être pour que la relation ne se réduise pas à un prendre soin mais se transforme en un commerce relationnel libidinalisé, producteur d’affect et psychisant ? Et quid, mutatis mutandis, du masculin et du paternel ?
Issus de disciplines hétérogènes, paléoanthropologues, préhistoriens, anthropologues, sociologues, historiens…, mais désormais aussi généticiens et neurobiologistes, ont montré à quel point les représentations culturelles du féminin et du masculin se maintiennent dans nos sociétés dites « occidentales », parfois au mépris des connaissances scientifiques et au profit de visions idéologiques.
La quête de l’égalité entre les sexes, l’affirmation de l’autonomie de l’individu, la question de l’identité sexuée, mais aussi les nouvelles formes d’alliance et de parenté qui en sont les conséquences appellent réflexion.
L’apparition du terme de « genre » pour désigner le sexe social n’en est qu’un symptôme. « Qu’est-ce qu’être homme ou femme » n’est plus une question si évidente ; Irène Théry nous rappelle qu’on est d’abord membre de l’espèce humaine et que le sexe est une construction.
Ces questions viennent produire des échos jusque dans le champ des savoirs sur le psychisme, en interpellant même parfois leurs fondements (par exemple la psychanalyse).
Dans le monde adulte des métiers de la périnatalité comme, très différemment, dans l’univers du bébé, masculin et féminin mais aussi sexe et genre sont également omniprésents.
Ces métiers, largement féminisés, font partie des métiers du care (du soin au sens de « prendre soin »), et sont censés être proches d’une expérience maternelle. Certaines des qualités qu’ils demandent (en particulier disponibilité psychique, capacité de réception des émotions et disposition empathique), considérées comme « naturelles » chez les femmes, ne sont pas reconnues comme des éléments cruciaux de l’exercice professionnel, mais apparaissent comme secondaires. Existant aussi chez les hommes, développées par des formations de qualité, elles sont pourtant mises au service des bébés et de leur (devenant) mère et (devenant) père. La façon dont le sexe vient au bébé en est imprégnée.
Extraits
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