#Essais

Sacrées familles ! Changements familiaux, changements religieux

Martine Gross, Séverine Mathieu, Sophie Nizard

Les chercheurs en sciences sociales ne prennent généralement pas en compte le facteur religieux lorsqu'ils analysent les transformations des formes familiales. La démarche novatrice du présent ouvrage réside dans la mise en relation systématique du religieux et de la parenté en explorant les représentations sociales, les normes et les pratiques des acteurs pris entre normes religieuses et mutations contemporaines de la famille.

Par Martine Gross, Séverine Mathieu, Sophie Nizard
Chez Erès

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Editeur

Erès

Genre

Sociologie

 

 

 

 

 

Préface

 

 

Maurice Godelier

Directeur d’études à l’EHESS

 

Nous baignons dans un monde culturel où prime toujours la référence biologique et chrétienne du couple. Cet univers culturel a formaté pendant des siècles les individus, leur sexualité, leur sensualité, leur imaginaire, leurs rapports aux autres du même sexe ou de l’autre sexe. Dans cet univers, les pères étaient conçus comme les géniteurs et les mères comme les génitrices de l’enfant. Tandis que lorsque l’on analyse et compare les représentations de ce qui fait un enfant dans différents types de système de parenté, comme j’ai essayé de le faire dans Les métamorphoses de la parenté[1] , on constate que dans un système matrilinéaire l’enfant reçoit pratiquement tout de sa mère, son sang, sa chair, et que sa forme, par exemple, lui est donnée par l’homme, qui n’est pas un père comme chez nous, puisqu’il n’en est pas le concepteur. Le père n’est pas un géniteur puisque son sperme ne contribue pas à faire l’enfant. Dans beaucoup de sociétés, la référence première n’est pas biologique. D’ailleurs, qu’est-ce que c’est pour beaucoup de sociétés que le biologique ? Le sperme ? Le sang menstruel ? Est-ce qu’on a déjà vu le sang menstruel se transformer en fœtus ? Ce sont là des représentations imaginaires du rôle de réalités biologiques qui varient d’une société à l’autre.

Ce qui pose également problème dans notre contexte occidental de tradition chrétienne, c’est le mariage comme sacrement. La famille était formée et fermée par un mariage devenu, au cours des siècles, un sacrement. Ce sacrement se présentait comme l’union de deux êtres en Dieu et face à Dieu, union qui ne peut être rompue par le divorce. Ce sont là les représentations culturelles et mentales traditionnelles des Européens chrétiens. Or il existe des sociétés où le mariage n’existe pas. La communauté locale autorise un homme et une femme à s’établir et à vivre ensemble. Il n’y a pas de rite, pas de mariage, mais seulement la reconnaissance collective du fait qu’un couple peut se former, une famille peut s’établir. Et dans la majorité des sociétés où existe le mariage, ce dernier n’est pas pour autant un sacrement.

Pour moi, la parenté c’était jusqu’à maintenant un système de rapports entre les sexes et entre les générations, un ensemble d’attitudes, de principes à l’égard d’enfants qu’on élève et qui sont vis-à-vis d’un certain nombre d’adultes dans un lien d’appartenance. Les enfants appartiennent dès leur naissance à des adultes et à des groupes sociaux, ne serait-ce qu’au regard de toutes les prescriptions et proscriptions qui entourent les soins, des attitudes que doivent avoir des adultes à l’égard des enfants qu’ils disent leur appartenir par engendrement ou adoption. Je mets au premier plan, fondamentalement, ces attitudes sociales positives et négatives, prescriptives et proscriptives. Je ne mets pas le biologique au premier plan. Cela ne correspond pas à l’évolution de l’humanité.

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03/11/2011 264 pages 23,50 €
Scannez le code barre 9782749214832
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