Préface
Danièle Brun
À une époque où la classification des troubles prime et où domine l’aspiration à la normalité des enfants, le livre de Louis Ruiz est bienvenu. Il pourrait d’ailleurs s’intituler Des bienfaits de la mélancolie, sur le modèle de l’un des ouvrages à succès de Pierre Fédida [1] . Mais c’est plutôt des méfaits de la mélancolie qu’il est question ici et des excès vers lesquels ces méfaits entraînent les enfants, de la « méchanceté » dont ils font preuve dans leur environnement quotidien. Ce que l’on appelle communément en pédopsychiatrie d’orientation cognitive « trouble déficit de l’attention/hyperactivité » (TDAH) et contre quoi on s’élève dans le champ de la psychopathologie psychanalytique est, par Louis Ruiz, abordé sous un angle métapsychologique et clinique tout à fait novateur. Il recherche les facteurs positifs et structurels d’une symptomatologie très négative d’apparence et difficilement tolérable aussi bien par les parents que par des éducateurs compréhensifs. À l’appui d’une riche expérience clinique, constamment en mouvement, ce qui est la marque d’une rare authenticité, Louis Ruiz développe sa thèse de la dualité enfant « méchant », enfant « mauvais ». L’enfant « méchant » est agressif, perturbateur dans la vie quotidienne, tandis que l’enfant « mauvais » qu’il porte en lui peine à exister tant il est, selon Louis Ruiz, « assujetti à l’objet mélancolique ». Le rôle organisateur et essentiel du processus de subjectivation, ici désigné en termes de « travail de la mélancolie », est longuement développé puis articulé à de nombreux travaux émanant du monde de la psychiatrie et surtout de la littérature psychanalytique.
L’adulte n’est aucunement oublié dans l’ouvrage car la pratique de Louis Ruiz n’est pas limitée aux enfants. La référence aux cures d’adultes confère à la problématique une dimension longitudinale qui permet de comprendre, toute notion de dépistage systématique mise à part, combien il est important de conseiller et d’offrir dès les premières années de la vie aux enfants le lieu de parole analytique qui les aidera à s’approprier les parties perdues ou inaccessibles de leur psychisme, faute de transmission structurante émanant de l’inconscient des parents.
La diversité de l’influence de l’imago maternelle, aussi sourde ou discrète puisse-t-elle être, traverse le livre en filigrane, ce qui ne signifie pas la mise en accusation de la mère réelle, mais qui signe néanmoins sa participation dans l’aventure du « travail de la mélancolie » que la symptomatologie des enfants hyperactifs stigmatise.
S’il reste vrai que la dimension du traumatisme est très présente dans le livre, sa représentation est constamment modulée par la référence aux travaux de Conrad Stein et par la dédicace qui lui est faite, ainsi qu’à l’œuvre poétique d’Henry Bauchau.
Extraits
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