#Polar

L'a-t-elle empoisonné ? Une histoire de trahison, d'adultère et d'arsenic sous Victoria

Kate Colquhoun

Liverpool, le 11 mai 1889. James Maybrick succombe à une maladie dont les médecins n'ont su déterminer la nature ni la cause. Sa famille et les infirmières n'auront pas attendu l'issue fatale pour soupçonner ouvertement Florence, sa jeune épouse fougueuse et infidèle, de l'avoir empoisonné. Si l'on retrouve en effet de l'arsenic dans la maison, celui-ci est aussi l'ingrédient majeur des remèdes et toniques dont James semblait ne plus pouvoir se passer depuis sa jeunesse... Accusée de meurtre, Florence est condamnée à mort au terme d'un procès riche en rebondissements. Mais de nombreuses voix s'élèvent en faveur de son pardon... Reprenant la méthode qu'elle avait développée en écrivant Le chapeau de M. Briggs, Kate Colquhoun retrace les étapes de ce qui fut l'une des plus célèbres affaires d'empoisonnement à l'arsenic du XIXe siècle. A travers la reconstitution de ce fait divers retentissant, Kate Colquhoun analyse aussi avec une grande finesse les paradoxes et dilemmes qui marquèrent l'Angleterre de la fin de l'ère victorienne : jeunes américaines rêvant de l'Ancien Monde ; médecins et experts incapables de s'entendre ; domestiques insolentes et perfides ; poisons dont on vante les mille vertus ; normes sociales inéquitables ; le tout nouveau pouvoir de la presse ; femmes désireuses de s'émanciper et des juges qui regardent non ce qu'elles sont, mais ce qu'elles devraient être... Autant de faits et de protagonistes caractérisés par une duplicité constante qui rythment le récit et présentent, en creux, le portrait d'une époque charnière.

Par Kate Colquhoun
Chez Christian Bourgois Editeur

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Genre

Policiers

 

 

 

 

 

 

 

St George’s Hall, Liverpool, mercredi 7 août 1889

 

 

 

Elle ne s’était pas attendue à ce qu’ils fassent si vite et, quand vint l’appel, son pouls battait encore très fort ; elle avait la bouche sèche.

Elle entendit la clé tourner dans la serrure. Elle sentit, plutôt qu’elle ne vit, la porte s’ouvrir brusquement. Elle rassembla d’une main gantée ses jupes noires ; d’un mouvement hésitant, elle se leva de son banc de bois, puis sortit dans le couloir et tourna vers l’escalier en pierre, ignorant la surveillante qui proposait de la soutenir.

À présent, elle entend le murmure de nombreuses voix là-haut, le bruit de pas, des raclements de gorge. L’air même semble animé d’un frémissement lourd de sens. Gravissant lentement chaque marche, elle lutte pour composer son visage et calmer sa respiration.

Mesurant cinq pieds et trois pouces, d’une pâleur d’albâtre sous un fin voile noir, la jeune veuve toute mince n’a jamais semblé plus fragile qu’au moment où elle apparaît dans l’espace central du tribunal bondé. Ayant franchi, sur sa droite, un portillon qui lui arrive à hauteur de hanche, elle pénètre dans le box des accusés et avance une nouvelle fois son siège près de la rambarde. Elle laisse délibérément reposer ses mains fluettes sur ses genoux. Deux gardiennes de prison se tiennent à proximité derrière elle, une de chaque côté.

Elle s’est réveillée à l’aube et il est maintenant presque quatre heures moins dix de l’après-midi. Le juge voûté revient par une porte située directement en face d’elle. Au moment où elle lève les yeux vers lui, le regard fixe et déterminé, elle est le point de mire de toute la salle. À la gauche du juge Stephen, un rideau foncé ondule avant d’être tiré sur le côté. Douze hommes vêtus d’un manteau noir pénètrent en rang dans le box des jurés. Il ne leur a fallu que quarante-trois minutes. Elle se demande si l’un d’entre eux osera se tourner vers elle. Elle est résolue à ne pas éviter leur regard.

Des grains de poussière dansent dans la lumière qui filtre obliquement par les fenêtres, avant qu’un nuage ne cache les rayons du soleil. Chassées par un vent fort, des gouttes de pluie s’éparpillent contre la verrière au-dessus de sa tête. Suivent alors plusieurs secondes de silence.

Elle entend l’avoué poser sa dernière question.

Elle se redresse dans son fauteuil, sent le plancher nu sous ses pieds, tente de lever le menton.

C’est l’heure.

 

 

 

 

 

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE

 

 

 

1

 

Mars 1889

 

 

« Chaque fois que la sonnette retentit, je me sens prête à défaillir de peur que ce ne soit quelqu’un venu se faire payer un acompte. »

Tandis qu’elle réfléchissait, sa plume était restée un instant en suspens au-dessus de la lettre.

« Quand Jim rentre le soir, poursuivit-elle de sa belle écriture cursive, c’est apeurée et toute tremblante que je scrute son visage pour voir si quelqu’un est passé au bureau à propos de mes factures. »

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trad. Christine Laferrière
06/11/2014 523 pages 22,00 €
Scannez le code barre 9782267027013
9782267027013
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