Avant-propos
Stéphane Tessier
Le croisement des termes « familles », « institutions », « cultures », « identités », « imaginaires », tous très chargés de sens, l’usage immodéré du « s » pour traduire la pluralité des mondes, l’appel à des disciplines et à des pratiques multiples pour tenter de les explorer, tous ces choix reflètent une volonté : celle de dépasser le monolithisme d’une philosophie qui ne perçoit de l’humain que l’homo œconomicus.
Les logiques de l’échange s’avèrent en effet aujourd’hui bien insuffisantes pour éclairer de qui lie, ce qui anime, ce qui sépare, ce qui fait sens parmi nos contemporains, et au demeurant, elles ont récemment démontré leurs limites en matière d’organisation de la société.
Coincés entre les injonctions précisément d’ordre économique de leurs institutions, des missions techniques souvent délégitimées par un politique trop superficiel, une éthique qui s’essouffle, et des situations de terrain dont ils sentent croître l’éloignement, les professionnels se trouvent dans une posture de plus en plus délicate que l’absence d’alternative de pensée rend insupportable.
Un déplacement du regard apparaît nécessaire afin de revisiter la relation, autrefois nommée « professionnel-usager », et ainsi verticalisée. L’idée de transversalité, souvent galvaudée mais essentielle, requiert une mise à plat de cette relation, suggérant de la visualiser comme une interaction de deux « personnes », porteuses, l’une d’une mission professionnelle, l’autre d’un besoin, d’une demande ou de tout autre motif de contact avec les services proposés.
Pour être concrète, cette transformation de l’image de la relation exige de bien mettre « à côté » « de côté », des individualités en présence, tout autant la demande que la mission. Elle requiert aussi l’analyse de tout ce qui se trame derrière les processus d’identification de chacune des « Personnes » qui interagissent. Enfin, elle impose la remise en contexte de cette interaction pour en éclairer les déterminants. La tâche est ardue mais l’enjeu est considérable.
Ainsi, lorsque l’idée d’organiser un colloque sur la problématique des institutions a émergé au DERPAD dès 2005, nous nous sommes tous enthousiasmés. La démarche fut plus laborieuse qu’initialement escompté. Articuler l’abord psychanalytique avec l’abord anthropologique a fait l’objet de longues, houleuses puis passionnantes réunions. Tout l’enjeu était de parvenir à sortir la notion de culture d’un exotisme folklorisant, sans pour autant nier que les intervenants du champ médico-social sont confrontés aussi à une importante proportion de population visiblement « autre ».
La réflexion que l’éducation pour la santé (au sens le plus large du terme) permettait de porter sur les populations en situation de précarité, et pas seulement en situation de migration, pouvait enrichir la vision individuelle du soin, en particulier psychanalytique. En parallèle, les expériences d’interculturalité menées dans certains tribunaux pour enfants autorisaient aussi à instiller une dose de collectif et d’inscription sociofamiliale de l’acte dans un processus judiciaire individualisé.
Extraits
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