#Essais

Familles et institutions : cultures, identités et imaginaires

Stéphane Tessier

Les intervenants du champ médico-social auprès des enfants et des adolescents en difficulté savent que les enfants de migrants constituent une part importante de la population concernée. De cette réalité, générant parfois incompréhension et sentiment d’impuissance, la question culturelle surgit, mais aussi la tentation d’y répondre comme à un phénomène sociologiquement limité et concernant les seuls migrants. Les auteurs de cet ouvrage, dans un paradoxe apparent, contribuent à élargir l’horizon de cette question, mais aussi à la porter au plus intime de chacun. Ils ouvrent des pistes concrètes et des repères pour outiller ces acteurs, désamorcer les crises et renforcer les postures, faisant dialoguer positivement identité et altérité dans les pratiques quotidiennes aussi bien éducatives, que sanitaires ou judiciaires. L’exigence éthique seule paraît en mesure de fonder une approche des phénomènes culturels débarrassée du naturalisme ethnologique, comme de conférer une efficacité véritable à des initiatives qui sans elle ne saurait relever que d’une technicisation du social. Cet ouvrage a été constitué à partir des travaux du DERPAD (Dispositif public au service des professionnels de l’enfance et de l’adolescence en difficulté) et de ceux de l’association REGARDS (Repenser et gérer l’altérité afin de refonder la démocratie et les solidarités).

Par Stéphane Tessier
Chez Erès

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Editeur

Erès

Genre

Sociologie

 

 

 

 

 

 

Avant-propos

 

 

Stéphane Tessier

 

Le croisement des termes « familles », « institutions », « cultures », « identités », « imaginaires », tous très chargés de sens, l’usage immodéré du « s » pour traduire la pluralité des mondes, l’appel à des disciplines et à des pratiques multiples pour tenter de les explorer, tous ces choix reflètent une volonté : celle de dépasser le monolithisme d’une philosophie qui ne perçoit de l’humain que l’homo œconomicus.

Les logiques de l’échange s’avèrent en effet aujourd’hui bien insuffisantes pour éclairer de qui lie, ce qui anime, ce qui sépare, ce qui fait sens parmi nos contemporains, et au demeurant, elles ont récemment démontré leurs limites en matière d’organisation de la société.

Coincés entre les injonctions précisément d’ordre économique de leurs institutions, des missions techniques souvent délégitimées par un politique trop superficiel, une éthique qui s’essouffle, et des situations de terrain dont ils sentent croître l’éloignement, les professionnels se trouvent dans une posture de plus en plus délicate que l’absence d’alternative de pensée rend insupportable.

Un déplacement du regard apparaît nécessaire afin de revisiter la relation, autrefois nommée « professionnel-usager », et ainsi verticalisée. L’idée de transversalité, souvent galvaudée mais essentielle, requiert une mise à plat de cette relation, suggérant de la visualiser comme une interaction de deux « personnes », porteuses, l’une d’une mission professionnelle, l’autre d’un besoin, d’une demande ou de tout autre motif de contact avec les services proposés.

Pour être concrète, cette transformation de l’image de la relation exige de bien mettre « à côté » « de côté », des individualités en présence, tout autant la demande que la mission. Elle requiert aussi l’analyse de tout ce qui se trame derrière les processus d’identification de chacune des « Personnes » qui interagissent. Enfin, elle impose la remise en contexte de cette interaction pour en éclairer les déterminants. La tâche est ardue mais l’enjeu est considérable.

Ainsi, lorsque l’idée d’organiser un colloque sur la problématique des institutions a émergé au DERPAD dès 2005, nous nous sommes tous enthousiasmés. La démarche fut plus laborieuse qu’initialement escompté. Articuler l’abord psychanalytique avec l’abord anthropologique a fait l’objet de longues, houleuses puis passionnantes réunions. Tout l’enjeu était de parvenir à sortir la notion de culture d’un exotisme folklorisant, sans pour autant nier que les intervenants du champ médico-social sont confrontés aussi à une importante proportion de population visiblement « autre ».

La réflexion que l’éducation pour la santé (au sens le plus large du terme) permettait de porter sur les populations en situation de précarité, et pas seulement en situation de migration, pouvait enrichir la vision individuelle du soin, en particulier psychanalytique. En parallèle, les expériences d’interculturalité menées dans certains tribunaux pour enfants autorisaient aussi à instiller une dose de collectif et d’inscription sociofamiliale de l’acte dans un processus judiciaire individualisé.

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02/04/2009 314 pages 23,50 €
Scannez le code barre 9782749210490
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