Préface
Jean-G. Lemaire
Professeur honoraire de psychologie clinique à l’université Descartes, Paris
Fondateur et ancien directeur de la revue Dialogue
C’est dans le contexte de déplacements massifs des populations humaines et de séparation obligée des couples que sont nées les premières tentatives destinées à aider de difficiles reconstructions familiales. Se développent ainsi aujourd’hui des recherches approfondies, tant des cliniciens que des sociologues ou d’autres sciences humaines, pour tenter de faire face au grave malaise social et psychique des familles contemporaines dont les repères sont devenus contradictoires. Elles sont brusquement ballottées sinon traumatisées dans un contexte d’évolution sociale et culturelle très rapide, que pour une part elles provoquent, mais liée pour une autre part aux confrontations ethniques et idéologiques d’une mondialisation précipitée.
Le public en général, voire parfois les publics spécialisés des travailleurs sociaux et des psychologues croient souvent « savoir » ce qu’il en est des pratiques familiales contemporaines. Mais ils se trompent souvent et méconnaissent les mouvements divers de ces évolutions en partie contradictoires. Ils voient mal les grandes lignes directrices ou interprètent mal les évolutions culturelles qui les sous-tendent, bien difficiles en effet à repérer ; ainsi ne peuvent-ils voir qu’après coup les effets pervers de telle ou telle évolution a priori favorable. C’est pourquoi le travail des sociologues de la famille est si important aujourd’hui.
Gérard Neyrand apporte ici une contribution essentielle en rassemblant des recherches diverses, les siennes propres et celles de plusieurs de ses collaborateurs, et en les rapprochant de recherches un peu antérieures ou menées par d’autres équipes. On saisit dans ce travail tout ce qu’apportent l’observation systématique objective et sa confrontation avec l’expérience concrète des divers praticiens travaillant quotidiennement dans les champs sociaux et psychiques. C’est là, surtout, qu’on appréciera chez l’auteur sa formation clinique première qui lui rend possible une étroite collaboration tant avec les éducateurs et les services sociaux, qu’avec les psychologues et les psychanalystes, en particulier avec ceux du comité de rédaction de la revue Dialogue à laquelle il participe activement.
L’importance du dialogue familial s’est imposée lentement au cours des siècles et elle ne paraît pas encore évidente dans toutes les cultures. Encore faut-il savoir ce qu’on appelle dialogue, souvent confondu aujourd’hui avec l’abondance d’une information plus ou moins interactive, dans notre monde commercialisé et médiatisé. Même si on en reconnaît la nécessité, reste à définir ce qui doit être mis en dialogue. Or, déterminer précisément ce qui pourrait l’être, ce qu’on doit ou ce qu’on peut, ou ce que la famille consent à y mettre, avec quelles limites collectivement admises, imposerait un premier dialogue conjugal ou familial, une sorte de « prédialogue ». Faute de cette opération préalable, ce qui est pratiqué au nom du dialogue familial est souvent réduit à un travail mineur, pratico-pratique, sans doute inconsciemment destiné à écarter les questions difficiles que manifestent les imbroglios familiaux.
Extraits
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