#Essais

La psychose freudienne. L'invention psychanalytique de la psychose

Thierry Vincent

Depuis sa parution en 1995, ce travail est devenu un ouvrage de référence. Il montre comment la psychanalyse a été la première à penser un modèle psychopathologique non seulement de la psychose mais aussi de la relation aux malades psychotiques. L’auteur traite la construction de ce modèle complexe en s’adossant aux textes freudiens : dès le début de la psychanalyse et parfois contre Freud lui-même, le traitement des psychoses, aléatoire, hésitant et ardu, est en marche.

Par Thierry Vincent
Chez Erès

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Editeur

Erès

Genre

Psychologie, psychanalyse

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

Cet ouvrage pourrait avoir pour prétexte une remarque de Michel Foucault à l’avant-dernier chapitre de son Histoire de la folie à l’âge classique : « Vers le médecin, Freud a fait glisser toutes les structures que Pinel et Tuke avaient aménagées dans l’internement. Il a bien délivré le malade de cette existence asilaire dans laquelle l’avaient aliéné ses “libérateurs” ; mais il ne l’a pas délivré de ce qu’il y avait d’essentiel dans cette existence ; il en a regroupé les pouvoirs, les a tendus au maximum en les nouant entre les mains du médecin ; il a créé la situation psychanalytique où, par un court-circuit génial, l’aliénation devient désaliénante, parce que, dans le médecin, elle devient sujet.

Le médecin, en tant que figure aliénante, reste la clef de la psychanalyse ; c’est peut-être parce qu’elle n’a pas supporté cette structure ultime et qu’elle y a ramené toutes les autres que la psychanalyse ne peut pas, ne pourra pas entendre les voix de la déraison, ni déchiffrer pour eux-mêmes les signes de l’insensé. La psychanalyse peut dénouer quelques-unes des formes de la folie ; elle demeure étrangère au travail souverain de la déraison. Elle ne peut ni libérer ni transcrire, à plus forte raison expliquer ce qu’il y a d’essentiel dans ce labeur [1] . »

Cette affirmation méritait réponse. Ce livre en est une, celle d’une réflexion sur la manière dont la psychanalyse a transformé l’appréhension et le traitement des malades psychotiques, aussi bien que sur la façon dont la psychose a affecté la psychanalyse elle-même.

Pourtant une telle préoccupation n’en reste pas moins suspecte, surtout venant de la part d’un clinicien immédiatement soupçonné d’un plaidoyer pro domo.

Le lecteur verra que ce travail ne relève pas du genre « défense et illustration », mais dépeint au contraire le lent tâtonnement d’individus qui se sont fixé pour but « d’entendre les voix de la déraison » et de s’attaquer au déchiffrement « des signes de l’insensé », quitte à modifier les règles canoniques de la psychanalyse. C’est de ce cheminement lent, parfois pesant, toujours insatisfaisant, que nous avons voulu faire une histoire.

Mais aussitôt d’autres questions surgissent concernant l’intérêt d’une telle entreprise : la psychanalyse a-t-elle encore de nos jours quoi que ce soit à faire avec la psychose ? N’a-t-elle pas d’ores et déjà dit tout ce qu’elle avait à dire ? L’engouement pour cette discipline dans les années 1970 et son déclin ne sont-ils pas en réalité l’aveu d’un échec de la psychanalyse à soigner les malades les plus graves ? Y a-t-il encore quelque espoir à fonder une psychothérapie des malades psychotiques, alors que les sciences biologique et pharmacologique sont au matin de découvertes fondamentales concernant les maladies mentales ?

Ce livre prend aussi volontiers le contre-pied de l’air du temps qui, à bien y regarder, est celui d’un pessimisme plus radical qu’on ne le croit, et qui a pour conséquence une confusion entre désaliénation et désasilisation, une des façons les plus sûres de rapporter la folie au seul problème social : il existe aussi des enfermements « extérieurs ».

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20/08/2009 199 pages 23,50 €
Scannez le code barre 9782749210636
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