#Roman francophone

Aucun homme n'est une île

Christophe Lambert

Avril 1961. Le président Kennedy retient in extremis le débarquement des troupes antirévolutionnaires à Cuba : le fiasco de la baie des Cochons n'aura pas lieu. Quelques mois plus tard, mieux préparés militairement, les Américains parviennent à envahir l'île et à renverser le régime castriste. Le Lider Maximo et ses troupes se retranchent dans les montagnes imprenables de l'Escambray, et la guérilla reprend. Ernest Hemingway, qui ne s'est pas suicidé au cours de l'été 1961, voit là une occasion unique de réaliser le scoop de sa vie : une interview de Castro et Guevara in situ. Accompagné par un faux photographe / véritable garde-chiourme de la CIA, cigare entre les dents et fusil en bandoulière, l'auteur de Pour qui sonne le glas reprend les sentiers de la guerre...

Par Christophe Lambert
Chez J'ai lu

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Editeur

J'ai lu

Genre

Littérature française

 

 

 

 

 

1.

 

 

L’opération avait été reportée de trois mois. Robert Stone ne savait pas qui avait pris la décision : il avait beau travailler pour la CIA depuis des années, il n’était pas dans le secret des dieux. Le plan initial avait des défauts, aussi bien au niveau du timing que dans le choix du point d’infiltration. À l’origine, la brigade de choc anticastriste entraînée à grands frais par l’Agence devait débarquer au centre de l’île, dans un endroit surnommé la baie des Cochons. Il s’agissait en fait d’une toute petite plage – la playa Girón – entourée de mangroves, un bourbier où les attaquants se seraient immanquablement enlisés… Que s’était-il passé à Washington ? Peut-être que quelqu’un s’était déballonné au dernier moment ? Bissel ? Dulles ? Kennedy ? Oui, sans doute Kennedy. L’Irlandais n’aimait pas ce plan. Il ne l’avait jamais aimé. Il en avait hérité de l’administration précédente et, maintenant, c’était à lui de prendre tous les risques. Kennedy redoutait Castro, à juste titre. Le Líder Máximo était un malin. Il avait réussi à faire de sa petite île un enjeu de taille entre les deux blocs dominants, et les projecteurs du monde entier se braquaient sur Cuba, depuis que les barbudos avaient mis à la porte le dictateur Batista, un caudillo ni pire ni meilleur que tous ceux qui sévissaient en Amérique latine.

Au printemps dernier, donc, quelqu’un avait stoppé l’invasion in extremis. Ce quelqu’un, quelles que fussent son identité et sa place dans l’organigramme, avait fait preuve de bon sens. Mieux conçue, la nouvelle opération avait fonctionné !

Les mille cinq cents exilés cubains avaient débarqué le 2 juillet, à une heure du matin, sur la plage de Yateritas, quelque part entre Guantánamo et Baracoa. Un point de chute beaucoup plus malin que la baie des Cochons. Les organisateurs du plan B avaient retenu la leçon du D-DAY, en Normandie : ne pas aller au plus court. Yateritas était située à la pointe de l’Oriente et, sur le papier, cet éloignement paraissait moins propice à une invasion maritime venue du continent. Ensuite, il y avait la proximité avec la base américaine, véritable épine yankee plantée dans le flanc de l’île. La CIA espérait secrètement que Guantánamo allait prendre des coups et ça n’avait pas raté. Les artilleurs cubains n’étaient pas réputés pour leur précision. Quand les obus avaient commencé à pleuvoir dans l’enceinte de la base, le gouvernement américain s’était immédiatement insurgé contre cette agression. On tirait sur une zone neutre, bordel ! Les apparences étaient sauves et Kennedy pouvait lancer la phase 2. Soutenus par le porte-avions Forrestal, quarante mille Marines avaient débarqué deux jours plus tard du côté de Varadero, à cent kilomètres de La Havane – cette fois, c’était bien le point le plus court entre la Floride et Cuba qui avait été retenu.

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05/03/2014 282 pages 16,00 €
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