AVANT-PROPOS ET DÉDICACE
Une fois établi le sens brut de sa tâche
(Être à tout prix alors qu’il surgit du Néant
Et, goutte infime, veut devenir océan),
Est-ce que l’Univers invente ou bien rabâche ?
Minuscules fragments de ses explosions,
En tout cas il se peut que nous reproduisions
En esprit comme en chair l’élan qui le transporte
Et qui semble devoir le mener à ses fins.
Ainsi reprenons-nous les mêmes vieux refrains,
Heurtant de nos questions une absence de porte.
Je tourne donc en rond, ressasseur et fumeux,
Sur la trace des sauts que d’autres, plus fameux,
Accomplirent au seuil qui recule à mesure
Qu’on avance ; n’ayant guère d’autre instrument
Plus précis que le mètre à la souple césure
Et son rythme propice à mon entêtement.
Comme par gravité, ce monde-nébuleuse
Appelle à lui celle du songe où j’ai flotté
Au risque de fâcher l’école querelleuse
À qui je dois le peu de mon savoir, hanté
Par la soif de franchir enfin la barricade
Dressée entre le centre obscur et mon circuit.
Mais je n’aurai suivi, de rocade en rocade,
Que ce qui m’en éloigne et plonge dans la nuit.
Cependant j’adhérais au rythme qui dirige
Le moindre mouvement des astres et les bonds
Des coursiers que le Vide attelle, sans aurige,
À ce rythme emportant les mondes vagabonds
Par l’Espace uniforme et les ponts du vertige.
Et vous étiez toujours, et simultanément,
La fin de mon voyage et son commencement,
Étincelle du Temps, qui le brûle, et voltige.
LA NÉBULEUSE DU SONGE
J’étais là. Certes rien maintenant ne le prouve,
Mais j’étais là. C’est sûr. Souvent je m’y retrouve
Comme un gamin, caché derrière des buissons,
Épie. Et même si de bien d’autres façons
Tout pouvait commencer, je n’en observai qu’une.
Les autres resteraient à l’état de lacune
Dans l’évolution. Mais : lacune, ou regret ?
Car un commencement suppose de l’attrait
Pour la fin qu’il inclut, désire, et que n’efface
Jamais pourtant le goût de faire volte-face
Et de recommencer l’histoire de zéro.
Cependant l’Univers galopait beaucoup trop
Pour qu’un frein modérât son élan d’énergie.
Et j’assistais muet à cette brève orgie
Des possibles mêlés comme dans un sabbat
Chaotique, mais où l’on discerne qui bat
Un rythme plus précis qu’à mesure plus souple
Entraînant vers la fin la foule, couple à couple.
Je fus ce qui pouvait ne pas être. Je suis
Celui qui se souvient de son rien. Je poursuis
La danse avec l’espace et le temps ; je circule
Avec la particule et l’antiparticule,
Cours après les rayons, subis la gravité
Et me venge, en mourant, du tort d’avoir été.
Incertain dans son champ dont l’ampleur se resserre,
Le hasard m’a voulu, qui m’a fait nécessaire,
Mais après coup. Si bien que mon double se tient
Prêt à changer de rôle en bon comédien.
Concave, je me sais en même temps convexe ;
Ma nature est au fond résolument perplexe.
Donc j’étais là. J’ai vu la singularité
Première atteindre alors l’énorme densité
Extraits
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