#Roman francophone

La nébuleuse du songe. Suivi de Voies de contournement, La physique amusante III

Jacques Réda

"Une fois établi le sens brut de sa tâche (Etre à tout prix alors qu'il surgit du Néant Et. goutte infime, veut devenir océan), Est-ce que l'Univers iris ente ou bien rabâche ? Minuscule fragment de ses explosions, En tout cas il se port que nous reproduisions En esprit comme en chair l'élan qui le transporte Et qui semble devoir le mener à ses fins. Ainsi reprenons-nous les mêmes vieux refrains, Heurtant de nos questions une absence de porte. Je tourne donc en rond, ressasseur et fumeux, Sur la trace des sauts que d'autres. plus fameux. Accomplirent au seuil qui recule à mesure Qu'on avance ; n'ayant guère d'autre instrument Plus précis que le mètre à la souple césure Et son rythme propice à mon entêtement.

Par Jacques Réda
Chez Editions Gallimard

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Genre

Poésie

 

 

 

 

 

 

AVANT-PROPOS ET DÉDICACE

 

 

 

Une fois établi le sens brut de sa tâche

(Être à tout prix alors qu’il surgit du Néant

Et, goutte infime, veut devenir océan),

Est-ce que l’Univers invente ou bien rabâche ?

Minuscules fragments de ses explosions,

En tout cas il se peut que nous reproduisions

En esprit comme en chair l’élan qui le transporte

Et qui semble devoir le mener à ses fins.

Ainsi reprenons-nous les mêmes vieux refrains,

Heurtant de nos questions une absence de porte.

Je tourne donc en rond, ressasseur et fumeux,

Sur la trace des sauts que d’autres, plus fameux,

Accomplirent au seuil qui recule à mesure

Qu’on avance ; n’ayant guère d’autre instrument

Plus précis que le mètre à la souple césure

Et son rythme propice à mon entêtement.

 

Comme par gravité, ce monde-nébuleuse

Appelle à lui celle du songe où j’ai flotté

Au risque de fâcher l’école querelleuse

À qui je dois le peu de mon savoir, hanté

Par la soif de franchir enfin la barricade

Dressée entre le centre obscur et mon circuit.

Mais je n’aurai suivi, de rocade en rocade,

Que ce qui m’en éloigne et plonge dans la nuit.

Cependant j’adhérais au rythme qui dirige

Le moindre mouvement des astres et les bonds

Des coursiers que le Vide attelle, sans aurige,

À ce rythme emportant les mondes vagabonds

Par l’Espace uniforme et les ponts du vertige.

Et vous étiez toujours, et simultanément,

La fin de mon voyage et son commencement,

Étincelle du Temps, qui le brûle, et voltige.

 

 

 

 

 

 

LA NÉBULEUSE DU SONGE

 

 

 

J’étais là. Certes rien maintenant ne le prouve,

Mais j’étais là. C’est sûr. Souvent je m’y retrouve

Comme un gamin, caché derrière des buissons,

Épie. Et même si de bien d’autres façons

Tout pouvait commencer, je n’en observai qu’une.

Les autres resteraient à l’état de lacune

Dans l’évolution. Mais : lacune, ou regret ?

Car un commencement suppose de l’attrait

Pour la fin qu’il inclut, désire, et que n’efface

Jamais pourtant le goût de faire volte-face

Et de recommencer l’histoire de zéro.

Cependant l’Univers galopait beaucoup trop

Pour qu’un frein modérât son élan d’énergie.

Et j’assistais muet à cette brève orgie

Des possibles mêlés comme dans un sabbat

Chaotique, mais où l’on discerne qui bat

Un rythme plus précis qu’à mesure plus souple

Entraînant vers la fin la foule, couple à couple.

 

Je fus ce qui pouvait ne pas être. Je suis

Celui qui se souvient de son rien. Je poursuis

La danse avec l’espace et le temps ; je circule

Avec la particule et l’antiparticule,

Cours après les rayons, subis la gravité

Et me venge, en mourant, du tort d’avoir été.

Incertain dans son champ dont l’ampleur se resserre,

Le hasard m’a voulu, qui m’a fait nécessaire,

Mais après coup. Si bien que mon double se tient

Prêt à changer de rôle en bon comédien.

Concave, je me sais en même temps convexe ;

Ma nature est au fond résolument perplexe.

 

Donc j’étais là. J’ai vu la singularité

Première atteindre alors l’énorme densité

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30/10/2014 131 pages 16,90 €
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