#Roman francophone

Battling Siki

Jean-Marie Bretagne

A 8 ans, cet enfant du Sénégal est kidnappé par une danseuse hollandaise, qui l'emmène à Marseille. Vite abandonné, il commence une carrière précoce de boxeur, interrompue par la Première Guerre mondiale. Rescapé des tranchées, il retourne sur les rings, où il affronte le héros du sport français, Georges Carpentier, qu'il bat en 1922 à la surprise générale. Mais ce match, qui le sacre champion du monde, causera aussi son malheur : pour défendre l'idole nationale, on accuse bientôt Siki de tricherie, et les journaux se déchaînent contre ce " championzé ", symbole de la " dangereuse " race noire. À l'inverse, de rares intellectuels prennent sa défense et en font le champion des opprimés. Il n'a d'autre choix que de partir boxer aux États-Unis, où la presse l'attaque encore plus violemment. Siki rend coup pour coup. " Vous avez une statue de la Liberté ici, déclare-t-il, mais c'est un mensonge. " Provoquant les autorités, il se promène en cape rouge sur Broadway, un singe sur l'épaule, et se marie avec une Américaine blanche, sans avoir divorcé de sa première épouse. Trop de vagues, trop de défis : il est assassiné de trois coups de revolver, le 16 décembre 1925, à Harlem. II n'a pas trente ans. Battling Siki... Une vie brève et magnifique, faite de légendes et de combats. La vie d'un homme décidé à garder la tête haute. À n'importe quel prix.

Par Jean-Marie Bretagne
Chez Philippe Rey

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Genre

Littérature française

 

 

 

 

 

 

Prologue

 

 

 

Le 24 septembre 1922 se produisit à Montrouge un cataclysme sportif et politique. Ce jour-là, Georges Carpentier perdit son titre de champion du monde de boxe. Il ne fut pas seulement battu, mais surclassé, balayé, s’inclinant par KO à la sixième reprise. On l’évacua du ring sur une civière, à demi inconscient et ensanglanté.

Carpentier était l’idole des Français. Sa défaite humiliante consterna les millions de supporters qui l’avaient adulé. Surtout, pour dire les choses comme elles sont, personne n’aurait pu, ou voulu imaginer que cet emblème de la nation s’effondrerait devant… un sauvage. Son vainqueur, Battling Siki, venait du Sénégal.

L’arbitre du combat, M. Henry Bernstein, comprit immédiatement combien ce résultat était inacceptable, choquant. Désireux de sauver la carrière de Carpentier, ou pris, qui sait, d’un instinct de conservation raciale, il disqualifia Siki, sous prétexte d’un coup défendu. Cependant, les quarante mille spectateurs hurlèrent, refusant ce verdict.

Quelle mouche piquait la foule ? Elle ne voulait donc pas qu’on sauve son favori ? Peut-être réagissait-elle ainsi par esprit de justice, ou bien encore jouissait-elle de ce moment excitant, quasiment historique : un nègre champion de France et du monde, en 1922, c’était inouï ! Après un quart d’heure de bronca, Bernstein n’eut d’autre choix que de rendre à Battling Siki la victoire qui lui revenait.

Le Sénégalais n’en profita pas longtemps. On l’accusa bientôt de conduite antisportive – et, grâce à cette nouvelle ruse, sa couronne mondiale lui fut retirée. Battling ne se laissa pas faire, il ridiculisa ses détracteurs, les obligeant à lui restituer ses lauriers… Cependant, la polémique continua. Le bruit courut que Siki l’avait emporté, certes, mais indûment, en profitant d’un match truqué. Nous le verrons, cela aussi relevait du mensonge. Ce n’était qu’une nouvelle manière de renverser le résultat insupportable du combat de Montrouge. Pourtant, la vérité officielle trouva son compte dans cette rumeur. Elle a traversé les époques et, aujourd’hui, elle prévaut dans les encyclopédies pugilistiques. Le Sénégalais y est présenté comme un tricheur ou, dans le meilleur des cas, un champion du monde au rabais, vainqueur par simple coup de chance. Tout se passe comme si, quatre-vingts ans après, son triomphe restait inacceptable ! D’une certaine manière, les efforts de M. Bernstein ont porté leurs fruits : Siki est désormais disqualifié pour de bon… 

Pourquoi ? Pourquoi, ce jour-là, Siki a-t-il gagné pour rien ? Pourquoi n’en a-t-il tiré ni gloire, ni profit, ni même la plus élémentaire reconnaissance posthume ? Ce livre est une tentative de réponse.

Je ne suis pas le premier à me poser ces questions. Siki a eu et a encore des défenseurs. Au lendemain du match de Montrouge, un jeune homme publia un article enflammé dans une feuille communiste militante. « Depuis que le colonialisme existe, écrivit-il, des Blancs ont été payés pour casser la g… des Noirs. Pour une fois, un Noir a été payé pour en faire autant à un Blanc. […] Nous félicitons Siki de sa victoire. »

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14/02/2008 189 pages 16,00 €
Scannez le code barre 9782848761091
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