#Essais

Luther et la Réforme. Du commentaire de l'Epître aux Romains à la Messe allemande

Collectif, Jean-Marie Valentin

L'homme Luther, ses inquiétudes et son désir de refondation avaient fait l'objet, de la part de Lucien Febvre, d'une étude de référence, suivie d'autres analyses du temps long des Réformes. Il manquait encore en français un ouvrage envisageant la formation de la nouvelle doctrine dans ses dimensions simultanément religieuses et institutionnelles, sociales et culturelles. A cette fin, des spécialistes de la recherche historique et théologique, de l'humanisme, du livre et de la médiatisation, de l'iconographie, des lettres et des arts se sont attachés, sur une durée courte (1516-1526), à réinsérer Luther dans le Saint Empire de l'époque, à le réinscrire dans le monde universitaire, à le confronter, à des degrés divers, à d'autres acteurs majeurs des grands bouleversements - Charles Quint et Léon X, Erasme et Eck, Hutten et Müntzer, Mélanchthon et Latomus. Cet effort fait aussi apparaître en pleine lumière des textes du Réformateur (le traité Sur les bonnes œuvres, le corpus des lettres, les " sermons "), trop longtemps négligés. De ces rapprochements, témoins d'un bouillonnement intellectuel prodigieux, surgit une demande générale d'ordre. Cette recomposition s'ordonne autour d'un axe majeur, celui d'une confessionnalisation appelée à durer - et à séparer, en dépit de parentés sémantiques et d'analogies structurelles parfois troublantes.

Par Collectif, Jean-Marie Valentin
Chez Les Editions Desjonquères

0 Réactions |

Genre

Religion

 

 

 

 

 

 

AVANT-PROPOS

 



Jean-Marie VALENTIN

 

Toute l’historiographie de la Réforme ou, comme il vaudrait mieux dire, de la Réformation, n’a cessé de le répéter : l’incendie qui s’allume à Wittenberg en 1517 s’est répandu si rapidement qu’il a conduit en une dizaine d’années à un bouleversement radical de l’ancienne chrétienté, dans l’Empire, d’abord et surtout. Pour rendre compte de ce phénomène, on a abondamment exploré la passé, lointain et proche, avec son mélange explosif de mutations démographiques et économiques, de revendications intellectuelles et nationales, d’inquiétudes apocalyptiques et de peurs, ou encore d’interrogations sur les voies d’accès au salut, exacerbées par des phénomènes de contamination matérielle du spirituel. La tradition revendicative les réformes, précisément —, inhérente aux débats internes de l’Église, est sans doute ancienne. Elle n’en prend pas moins alors — disons : à partir de 1515-1516, année du cours que Luther prononce sur l’Épître aux Romains — une tournure à tous égards singulière. Le « temps long », qui, Lucien Febvre et Fernand Braudel l’ont montré exemplairement, n’est en rien exclusif d’études rapportées à des individus ou des événements, crée les conditions indispensables d’une juste évaluation des périodes de rupture et de fondation.

Ce livre qui s’est fixé impérativement comme bornes le début et la fin de l’arc chronologique qui va du commentaire de l’Épître aux Romains à la définition d’une nouvelle « messe »-service, détachée de la notion de sacrifice rejetée comme, à suivre Mélanchthon, l’avait été par saint Paul la circoncision, n’aurait pu exister sans les travaux de Pierre Chaunu (Le Temps des Réformes, 1975 ; Église, culture et société. Essais sur Réforme et Contre-Réforme 1517-1620, 1981) et Jean Delumeau (Naissance et affirmation de la Réforme, 1965, avec sa version remaniée de 1998, co-signée par Thierry Wanegffelen). J’y ajouterais volontiers, de Jean Delumeau encore, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, non seulement pour son titre si frappant, mais aussi parce que cette synthèse nous rappelle que l’action de Luther et les mouvements dont il est à l’origine constituent aussi l’événement majeur de l’histoire du catholicisme moderne. Ici, l’aval qu’inaugure Trente se prolonge jusqu’à nous — les efforts de rapprochements, parfois solennels comme celui qui a porté sur la Confessio Augustana en 1999, en sont une preuve évidente. Les Pères, espagnols et italiens pour le plus grand nombre, ont anathématisé, certes, mais aussi rédigé le texte de leurs propres décisions avec la hantise permanente de tomber dans les erreurs qu’ils dénonçaient.

On admet aujourd’hui que ces retours en arrière, combinés à l’histoire du temps et à ce que nous en ont dit et nous en disent tous les discours qui l’ont ou l’ont eu pour objet, autorise des conjectures multiples. Il entre toujours un peu de passion, aujourd’hui encore, dans une telle exploration. Pour autant, les recoupements et les complémentarités ne sont pas exclus. Ainsi, tout le monde s’entend à présent pour reconnaître la sincérité de Luther, le caractère douloureux et bouleversant de son cheminement, le surgissement soudain en lui d’une assurance intrépide et conquérante, fruit de la certitude d’être enfin libre, c’est-à-dire dans le vrai. On reconnaît de plus au Réformateur un sens aigu, et tôt manifesté, de la bonne tactique, celle qui se soucie des plus faibles et règle sur eux son train. Comment ne pas souligner enfin son aptitude à reconnaître l’existence d’une hiérarchie des priorités ? Eleutherius sut être, quand il le fallait, cunctator, fixer par ce moyen un cap susceptible d’être tenu par le plus grand nombre. Avec lui, les concessions à l’héritage multiséculaire ont été nombreuses, faisant par ce moyen mieux admettre les ruptures. Rangées ou non dans la catégorie des « choses indifférentes » (les célèbres adiaphora), elles n’ont jamais touché aux points centraux du dogme révisé. Cet homme passionné qui se révèle au monde (et peut-être d’abord à lui-même) lors du dramatique affrontement de la Diète de Worms, prônera pourtant une vision modérée de l’ordre politique et social. Nul n’ignore qu’elle lui vaudra, du XVIe au XXe siècle, les plus vives critiques.

Commenter ce livre

 

28/11/2001 600 pages 35,50 €
Scannez le code barre 9782843210419
9782843210419
© Notice établie par ORB
plus d'informations