#Essais

Grand Paris. L'émergence d'une métropole

Frédéric Gilli

Et si l'avenir de Paris était sa banlieue ? En dix ans, une vision nouvelle de la région parisienne s'est discrètement imposée. Le modèle hiérarchique d'une Ile-de-France centrée sur Paris intra muros, administrée par l'Etat et gouvernant la France a cédé la place à une métropole auto-organisée, dans laquelle ont émergé de fortes polarités économiques et culturelles et se sont créés des réseaux multilatéraux à l'échelle européenne et mondiale. Ni Paris, ni l'Etat n'ont disparu, mais la banlieue s'affirme, les PME franciliennes s'émancipent, la jeunesse et la diversité de la population s'imposent. Transport, logement, inégalités, beaucoup reste à faire, mais la métropole du Grand Paris, créée en décembre 2013, esquisse un mode de gouvernance plus efficace et plus juste, avec pour enjeu qu'il soit pleinement démocratique. Une lecture indispensable pour comprendre cette mutation, pour appréhender les prochaines échéances franciliennes et pour apprécier la façon dont la France est entrée dans le XXIe siècle.

Par Frédéric Gilli
Chez Les Presses de Sciences Po

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Genre

Géographie

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

En toute discrétion, l’économie, la géographie, l’organisation politique de la région parisienne se sont transformées. La vie de ses habitants, leur inscription dans le monde ont changé. À la fin des années 1990, l’Île-de-France était un territoire piloté par l’État, contrôlé par ses grands groupes et dominé par Paris. En une décennie, de 2000 à 2014, elle s’est démocratisée. Le déploiement de ses grands groupes à l’échelle mondiale a mis sur le devant de la scène les milliers d’entreprises innovantes qui font le dynamisme de la région. Elle s’est découvert une banlieue riche de sa diversité, où les territoires sont mobilisés. L’ampleur des changements engagés dans cette décennie est manifeste : ils concernent à la fois la façon de vivre dans la région, la façon de la construire et la façon de la gouverner. Périphériques, tramways et métros, espaces publics, immeubles, centres d’affaires... À Paris comme en banlieue, une évolution radicale des paysages franciliens est enclenchée. Sa portée ne sera pleinement visible que dans une ou deux décennies, mais elle bouleverse déjà la façon dont chacun vit, pense et se projette dans la capitale.

Cette mutation s’est faite en silence. Elle ne trouve un début d’expression publique qu’à partir de 2010, lorsque des dizaines de milliers de visiteurs se pressent à Chaillot pour voir l’exposition internationale sur le Grand Paris. Depuis, ce Grand Paris bénéficie d’un véritable engouement1, mais c’est encore très souvent le seul intra muros qui est considéré. Or, le changement majeur de la période est l’amorce d’une réconciliation entre Paris et ses banlieues : il est impossible de comprendre ce qui se noue dans la région parisienne sans prendre la mesure de cette transformation historique.

En retrait jusqu’à la fin des années 2000, la littérature scientifique s’est largement emparée du sujet et le documente précisément2. Les ouvrages replaçant les évolutions de la région parisienne dans le contexte des mutations françaises et européennes sont plus rares3, alors que les changements en cours ont une portée politique qui dépasse largement Paris. Dans cette mégapole en devenir, l’ensemble des équilibres et des repères auxquels chacun se réfère ont insensiblement basculé, et les équilibres locaux et régionaux sont à redéfinir. Bien plus qu’une simple évolution, une véritable réinvention de Paris a commencé depuis la fin du siècle dernier.

 

 

Un modèle en question

 

Cette réinvention de Paris n’est pas anodine, parce qu’elle se passe dans une capitale mondiale chargée d’histoire qui porte un message universel : sorte de « petite France », Paris est identifié à la prise de la Bastille autant qu’à Haussmann et à la romance. Cette ville a une façon spécifique de régler les rapports entre territoires, de gérer la coexistence des communautés, d’arbitrer entre les intérêts particuliers pour créer du collectif et de l’intérêt général. La politique y a toujours joué un rôle fondamental pour penser l’organisation des territoires et des rapports humains. À la fois terre d’intégration et d’émancipation, Paris est le cœur de ce que Pierre Rosanvallon identifie comme le projet central de la Révolution française : « créer une société des égaux » qui permette à chacun de s’épanouir individuellement.

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20/02/2014 316 pages 15,00 €
Scannez le code barre 9782724615166
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