#Polar

Faux-semblants

Kjell Ola Dahl

Oslo, au coeur de la nuit. Le corps sans vie d’une jeune femme est retrouvé dans une benne à ordures. Nu, le cadavre a été soigneusement enveloppé dans un film plastique, les parties génitales ébouillantées, comme si l’on avait cherché à masquer une quelconque trace de viol. Dépêché à l’institut médico-légal, l’inspecteur Frank Frolich est chargé de l’enquête. Quand il découvre le visage de la victime, son trouble est manifeste. Cette femme, il ne la connaît que trop bien : la veille, il l’a arrêtée en flagrant délit mineur de possession de stupéfiants avant de la croiser quelques heures plus tard au bras d’un vieil ami d’enfance perdu de vue depuis des années et qui célébrait son mariage. On dit souvent que la mariée est trop belle. Celle-ci semble trop mystérieuse… Tiraillé par ce conflit d’intérêt, et alors qu’une nouvelle affaire éclate avec la disparition d’une jeune étudiante ougandaise, Frank Frolich se rend vite compte qu’il va devoir replonger dans les moments troubles de son adolescence pour trouver les clés du mystère… Pour la troisième enquête de Gunnarstranda et Frolich, Dahl a décidé de mettre la focale sur Frolich, son héros le plus sombre et le plus torturé. Dans ce roman de la divagation et de la dissimulation, nous sommes face à des personnages en rupture, en fuite dont la psychologie est un mélange explosif de rationalité, de passion et de superstition. Pas de course-poursuite pétaradante, mais une progression psychologique en creux, pas à pas, comme si nous levions le voile sur les traumatismes de la jeunesse et les secrets sur lesquels nous nous construisons. Traduit du norvégien par Alain Gnaedig.

Par Kjell Ola Dahl
Chez Editions Gallimard

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Genre

Policiers

 

 

 

 

 

1

 

 

Il avait besoin de respirer un peu d’air frais, mais pour baisser les vitres électriques, il devait d’abord mettre le contact. Cela allumerait alors automatiquement les phares et, très probablement, flanquerait tout par terre.

Il leva le bras et posa le dos de sa main contre la vitre. Il distingua vaguement les aiguilles de sa montre. À peine deux heures du matin. Il appuya sa tête contre le verre. Jeta un millième coup d’œil à la maison au fond de la rue. Lumière jaune aux fenêtres. Aucune activité.

Son portable se mit à vibrer dans sa poche de poitrine.

Il se redressa. Entendit des talons qui claquaient sur le bitume. Une femme apparut dans le rétroviseur droit. Elle portait une veste courte et un jean moulant. Un sac en bandoulière. L’ombre se rétrécit quand elle passa sous le lampadaire. Elle leva son sac devant sa poitrine, l’ouvrit tout en marchant.

Les yeux braqués sur le rétroviseur, il se tassa sur son siège. Tenta de se faire le plus petit possible.

Elle s’arrêta à la hauteur de la voiture.

Il glissa encore plus sur le siège.

Elle prit quelque chose dans son sac.

Il recula la tête pour que son reflet n’apparaisse pas.

Elle s’accroupit, se regarda dans le rétro. Elle se mit du rouge à lèvres, pinça la bouche et vérifia le résultat. Tendit le petit doigt et ôta un peu de rouge aux commissures des lèvres. Se redressa.

Une éternité passa.

Puis elle continua son chemin vers la maison située au fond de la rue.

Elle s’arrêta devant la porte en fer forgé. Il y eut un bruit de métal qui frotte contre du métal quand elle ouvrit, et un grincement quand elle referma derrière elle.

La silhouette s’avança lentement vers la porte d’entrée qui fut ouverte alors qu’elle montait l’escalier.

Frank Frølich regarda l’heure. Deux heures huit.

Dès que la porte se referma, il entendit la voix de Rindal dans l’écouteur.

« C’était qui ?

— Je sais pas.

— Elle t’a vu ?

— Pas la moindre idée.

— Parce que si elle t’a vu, il sait que nous sommes là.

— Il le sait déjà. »

Silence. Frølich compta jusqu’à dix.

« C’est peut-être un hasard si elle s’est arrêtée juste à ta voiture.

— Peut-être. Elle s’est regardée dans le rétro et a arrangé son rouge à lèvres.

— Description ?

— J’ai vu que le profil. Frange, cheveux roux, la trentaine.

— Bouge pas. On te tient informé. »

Le grésillement dans l’oreille s’éteignit. Le silence revint dans la nuit, avec le retour des crampes et du mal de dos. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était trouver une position plus confortable.

 

 

*

 

 

Il fut réveillé par le vibreur du portable. Le jour était levé. L’horloge indiquait six heures moins dix. Il avait dormi environ quatre heures.

Rindal était de bonne humeur. La voix dans l’écouteur chantait Frère Jacques.

« Désolé, dit Frølich en bâillant. Je me suis endormi.

— On avait pigé.

— J’ai raté quelque chose ?

— Rien, mais, là, ça bouge. C’est ta chance de te racheter. »

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trad. Alain Gnaedig
19/01/2012 353 pages 21,00 €
Scannez le code barre 9782070131372
9782070131372
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