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Sciences politiques
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Première partie :
Les Relations internationales comme science sociale
Chapitre 1.
Théorie et relations internationales
« L’anarchie est le trait fondamental de la vie internationale et le point de départ de toute réflexion théorique sur celle-ci. »
Hedley Bull [1]
Considérer les Relations internationales [2] comme une science sociale ne va pas de soi [3] . Non pas tellement parce que les Relations internationales comme discipline appartiennent à l’univers des discours savants, alors que les relations internationales comme objet appartiennent à celui des pratiques politiques qui, en permanence, viennent tout à la fois enrichir et gêner l’analyse scientifique, comme le rappelle l’actualité de ces vingt-cinq dernières années, de la chute du mur de Berlin, qu’aucun paradigme cognitif n’a su prévoir, aux attentats du 11 septembre 2001 qui interpellent toutes les théories existantes, sans oublier l’opération Iraqi Freedom qui, fait suffisamment rare pour mériter d’être souligné, a vu se mobiliser, en vain certes, la fine fleur des internationalistes américains, réalistes en tête [4] . En effet, un tel positionnement n’est pas propre aux seules Relations internationales, mais à l’ensemble des sciences sociales, de la sociologie aux sciences économiques en passant par la science politique. Si la légitimité des Relations internationales fait débat, c’est parce que toute science sociale, et toute science d’ailleurs, se définit d’abord par un domaine d’étude délimité et une démarche scientifique reconnue, autrement dit par l’existence d’un degré d’entente relativement élevé sur « quoi étudier ? » – consensus ontologique – et « comment l’étudier ? » – accord épistémologique [5] : or, en Relations internationales plus qu’ailleurs, cette double identification ne fait pas l’unanimité.
Pour ce qui est de la délimitation de l’objet d’étude des Relations internationales, le terme « international » pose à lui tout seul de redoutables problèmes. Ne serait-ce que parce que « international » est un adjectif dérivé de l’adjectif « national » : comment ne pas en déduire que ce qui se rapporte aux relations entre nations, entre États, entre sociétés, a une valeur, sinon négative, du moins résiduelle, par rapport aux relations se déroulant « à l’intérieur » d’une nation, d’un État, d’une société ?
Telle est la position adoptée par Yale Ferguson et Richard Mansbach qui n’hésitent pas, à partir du constat de la nature dérivée du terme « international », à conclure à l’impossibilité d’une discipline Relations internationales autonome : « La notion même d’ “international” ne peut être comprise que par rapport à ce qui n’est pas “national” ou “interne”. Même chose pour “transnational”, “interétatique”, politique “étrangère”. Un champ dont les concepts ne peuvent être définis que négativement ne saurait prétendre au statut de discipline [6] . » Davantage, et comme l’indique le titre révélateur de leur ouvrage The Elusive Quest. Theory and International Relations, ils affirment que les Relations internationales, dont l’objet d’étude n’est pas reproductible en laboratoire, ne sauraient prétendre énoncer des lois et répondre à l’impératif de réfutabilité qui caractérise une théorie scientifique, ce qui les amène d’emblée à qualifier d’illusoire toute théorie des Relations internationales.
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