#Bande dessinée jeunesse

Suzie la rebelle dans la grande guerre

Sophie Marvaud

Jeune fille de bonne famille promise à un beau mariage, Suzie a 16 ans lorsque éclate la Première Guerre mondiale. Son destin bascule. Livrée à elle-même et brûlant de se rendre utile, elle participe aux travaux agricoles, soigne un blessé et tombe amoureuse d'un jeune homme inconnu de ses parents. Elle découvre l'horreur des tranchées, mais aussi la difficulté d'être libre quand on est une femme. En 1916, pour supporter l'attente de celui qu'elle aime, elle intègre l'équipe de manipulatrices radio formée par Marie Curie et part en mission sur le front. Mais la chercheuse qu'elle admire est soupçonnée de trahison par les services du contre-espionnage français. Tour à tour révoltée et troublée, Suzie part en quête de la vérité, aidée par des femmes d'exception, pacifistes et féministes. Au lendemain de l'armistice, malgré leur travail acharné à l'arrière, les femmes sont renvoyées dans leurs foyers. Toujours rebelle, Suzie s'engage dans la recherche autour de la radioactivité. Alors qu'elle travaille à l'Institut du radium auprès d'Irène Curie, elle est approchée par un espion russe qui menace son fiancé, vulnérable et marqué par les combats. Passionnée d'histoire, discipline qu'elle a enseignée, Sophie Marvaud a publié la série Le Secret des cartographes (trois tomes chez Plon et au Livre de Poche).

Par Sophie Marvaud
Chez Nouveau Monde Editions

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Genre

12 ans et +

 

 

 

 

 

 

 

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Une folle journée

 

 


Tournée vers la fenêtre, je veillais à garder un visage impassible. Il ne fallait surtout pas que ma mère devine mes sentiments !

Lèvres pincées, yeux fixes, je goûtais pourtant le paysage avec intensité : les coquelicots au milieu des blés mûrs, les robes écarlates des paysannes, le teint brique des paysans qui relevaient la tête au passage du train. La campagne charentaise m’invitait aux plus beaux bonheurs que je connaissais, d’autant plus chers que j’allais les vivre pour la dernière fois : la pêche avec Louison dans les bras endormis de la Charente, la conduite des vaches au pré, les retours des champs au sommet d’une montagne de foin, dans une charrette tirée par un cheval.

J’allais bientôt avoir seize ans. Aux yeux de Maman, ces distractions d’enfant n’étaient pas tolérables pour une jeune fille promise à un beau mariage.

Fils aîné de fermiers et, à ce titre, destiné à la vie agricole, mon père, Alfred Valour, avait été repéré par son instituteur et poussé à entreprendre des études ; il était devenu pharmacien dans un quartier populaire de Paris ! Ma mère, Lucie Vindelle, aujourd’hui épouse de pharmacien, était la fille de commerçants modestes d’Angoulême, eux-mêmes enfants de paysans. Elle avait décidé que ma sœur et moi poursuivrions l’ascension sociale des deux branches familiales. Nous devions épouser un médecin, un industriel ou un préfet, ou bien, au pire, un pharmacien installé en face de l’Élysée !

Avec ma bouche d’un rouge carmin, mes cheveux noirs brillants­ et souples, ma peau blanche, et ma silhouette élancée, il paraît que j’étais assez jolie pour prétendre au meilleur.

Sauf si une mauvaise éducation ruinait toutes mes chances !

De justesse, Maman avait accepté que, cette année encore, je passe le mois d’août chez nos grands-parents paternels, dans le petit village de Nouérac. Le sort de mes vacances avait donné lieu à un débat passionné entre mes parents. Papa croyait dur comme fer aux vertus fortifiantes du « bon air de la campagne ». Elles étaient aussi nécessaires, une fois par an, à la santé de ses filles parisiennes que l’infecte cuillerée d’huile de foie de morue que nous avalions avec peine chaque matin. Maman avait fini par s’incliner devant les connaissances incontestables de ce professionnel de la santé.

Du coup, elle m’avait assommée de recommandations : « Ne sors jamais sans ton chapeau ! », « Dehors, reste bien à l’ombre ! », « Ne va pas abîmer tes mains à éplucher les légumes ! Cela noircirait tes paumes et déformerait tes jolis doigts. » Dans un petit nécessaire à couture, elle avait rassemblé pour moi assez de broderies pour m’occuper du matin au soir. Quelle horreur ! J’avais bien l’intention de n’en réaliser aucune, bien que je les eusse examinées avec un intérêt feint. Si elle avait eu le moindre soupçon que j’étais décidée à n’en faire qu’à ma tête, elle m’aurait ramenée illico avec elle à Paris.

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20/03/2014 608 pages 24,00 €
Scannez le code barre 9782365838689
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