#Roman francophone

Superstars

Ann Scott

Louise hésite sans cesse entre le milieu lesbien, la musique techno où elle évolue, et la nostalgie du rock et de son ancien amant. Jusqu'à ce qu'un jour, l'amour lui retombe sur le coin de la gueule... Au milieu des raves et des nuits parisiennes, ce récit s'annonce comme la quête éperdue d'une fille qui ne sait pas ce qu'elle veut et ne s'attend pas à ce qu'elle trouve. Un roman à l'image de la fin des années 1990, de ses illusions, de son hébétude.

Par Ann Scott
Chez J'ai lu

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Editeur

J'ai lu

Genre

Littérature française (poches)

 

 

 

 

 

 

Prologue


DES OMBRES SUR LES MURS

 

 

Il y a un an, une nuit de janvier, je me suis pris une grande baffe dans la gueule par un videur du Rex. Je me suis retrouvée sur le trottoir, en robe et sans manteau avec du sang plein les mains. L'Entracte, cette boîte pour filles un peu plus loin sur le boulevard, était le dernier endroit au monde où j'aurais voulu me rabattre. Mais j'étais suffisamment défoncée pour en faire abstraction, suffisamment, donc, pour dissuader n'importe quelle éventuelle connasse de s'approcher.

Juste avant, je sortais des toilettes du Rex où je venais de m'envoyer de l'héro pour la première fois depuis longtemps, aussi je flottais déjà agréablement en longeant le couloir vers la salle. Je regardais par terre en marchant, un élastique entre les dents pour rassembler mes cheveux, quand je suis tombée nez à nez avec Alex. Les bras croisés, elle discutait avec la fille à cause de laquelle je l'avais quittée le matin même. La fille portait un de mes tee-shirts sous sa veste en jean, un vieux tee-shirt bleu ciel des Dents de la mer avec écrit JAWS en rouge, Jaws étant aussi le nom de deejay d'Alex. Du haut de son mètre cinquante-neuf, Alex m'a dévisagée avec amusement, pas encore convaincue par la réalité de la séparation, habituée à ce que je finisse toujours par pardonner ses coucheries. Sauf que cette fois, l'excuse c'était pas : « Je voulais juste voir si tu serais jalouse » ou « Tu m'avais pris la tête alors j'avais besoin de ça », mais : « J'ai juste envie d'une aventure, quoi, on se retrouve dans quinze jours ». J'étais donc là, avec Alex en travers de mon chemin à faire la maligne, et je me rappelle avoir dit que ça commençait très mal si elle n'avait pas l'intention de me laisser au moins un endroit où aller sans risquer de les croiser. Ensuite tout est allé très vite malgré le brouillard de la dope. J'ai vu un verre dans une main qui passait, je m'en suis emparée et je l'ai fracassé sur le crâne d'Alex. À l'époque, elle avait les cheveux en l'air sur le dessus, des sortes de petites dreads blondes dont les pics ne tenaient jamais bien longtemps. Le sang qui a commencé à s'y mélanger les faisait finalement mieux tenir que n'importe quel gel dont elle s'enduisait toujours sans succès. C'est tout ce que j'ai trouvé à lui faire remarquer, tandis que je l'aidais à retrouver un semblant d'équilibre. L'autre fille s'est alors mise à hurler dans ses mains. Elle était d'ailleurs la seule à en faire toute une histoire, il y avait bien trop de monde pour que quiconque ait pu remarquer ce qui venait de se passer. Alex, elle, s'était contentée de se tâter délicatement à la recherche de bouts de verre, puis en me souriant d'un air bien taré, elle avait attrapé mes mains pour les forcer à s'aplatir sur ses cheveux visqueux de sang. Ce n'est pas tant de me faire reconduire par un videur qui m'avait énervée, ça m'avait même plutôt fait rire, ce type en forme de cintre que je dépassais d'une bonne tête avec mes talons et qui ne savait pas par où me tenir, de peur de me briser un os. C'est ce qu'il a susurré à mon oreille qui m'a agacée. Il a dit : « Ça me fait bander les filles qui cognent. » Alors j'ai empoigné ses couilles pour les broyer à cent quatre-vingts degrés. D'où la baffe.

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01/10/2005 377 pages 7,80 €
Scannez le code barre 9782290351673
9782290351673
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