1
Un petit garçon de sept ans se promène dans le verger planté de pommiers, attenant au manoir familial.
Son regard est vif ; des cheveux bouclés encadrent son visage et retombent gracieusement sur ses épaules.
Soudain, il aperçoit sa mère qui vient à sa rencontre, toute souriante… Il se précipite et, la regardant avec tout l’amour qu’un enfant peut avoir pour sa maman :
« Madame ma mère, dit-il, que dois-je faire qui vous fasse plaisir ? »
2
Quel est ce petit enfant qui appelle sa mère « Madame » ?
Bien sûr, c’est étonnant ; mais nous sommes en l’an de grâce 1260, et dans une région de Bretagne où les enfants nomment toujours leur papa « Messire », et leur maman « Madame ». C’est leur manière à eux de témoigner le respect et l’amour qu’ils portent à leurs parents.
Les coutumes peuvent ainsi changer, selon les époques et les pays.
3
Mais revenons au jardin. La maman s’est penchée sur son petit garçon qui la fixe longuement, les yeux dans les yeux. Et elle voit combien le regard de son fils est profond… Les yeux ne sont-ils pas comme un miroir de l’âme ?
Alors, de tout son cœur maternel, elle murmure ces quelques mots qui toute la vie resteront gravés dans celui du garçon :
« Vivez de telle sorte, mon fils, que vous deveniez un saint ! »
4
Cet enfant de sept ans, qui parle déjà si gravement à sa mère, s’appelle Yves Hélori de Kermartin. Il est de noble lignée.
Son grand-père, Tanoïc, a accompagné le duc de Bretagne Pierre Le Mauclerc à la Croisade que saint Louis avait décidée contre les Sarrasins. Il a suivi le roi de France en Égypte et vaillamment combattu à la bataille de Mansourah.
Après plusieurs années d’absence, il a regagné sa seigneurie.
5
Sans doute fut-il de retour pour assister au mariage de son fils, Hélori de Kermartin, avec Dame Azou de Quinquis.
Les manoirs des deux familles ne sont distants l’un et l’autre que d’une lieue environ. Celui de Kermartin est situé sur le territoire de la cité de Treguer (aujourd’hui : Tréguier), sur la côte nord de la Bretagne.
Cette petite ville est bâtie au confluent de deux rivières, le Guindy et le Jaudy, qui forment à partir de là une voie navigable pouvant être empruntée par les bateaux pour rejoindre la Manche.
6
Un peu à l’écart de la côte, Tréguier est à l’abri des incursions des pirates.
Aussi, ses chantiers de constructions navales sont-ils en pleine activité. Quand le connétable de Clisson voudra débarquer en Angleterre, ils pourront lui fournir les cent navires nécessaires.
Les rues de la cité sont étroites, tortueuses, mais bordées de belles maisons appartenant aux riches armateurs ou aux seigneurs de la région. Ces derniers, qui exploitent souvent eux-mêmes leurs domaines, se réservent un pied-à-terre en ville.
Extraits
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