#Roman étranger

Le ruban

Ito Ogawa

Ce roman d’Ogawa Ito, il semble qu’une voix nous le murmure à l’oreille, tendre et gourmande. Une voix qui, même aux heures d’ombre, fait le pari de la vie. Cela commence comme un conte par une grand-mère, une petite fille et un oiseau. Une grand-mère fantasque et passionnée d’oiseaux trouve un œuf tombé du nid, le met à couver dans son chignon et donne à l’oiseau qui éclot le nom de Ruban. Car cet oiseau, explique-t-elle solennellement à sa petite-fille, « est le ruban qui nous relie pour l’éternité ». Un jour, l’oiseau s’envole et pour les personnes qui croisent son chemin, il devient un signe d’espoir, de liberté et de consolation. Ce roman grave et lumineux, où l’on fait caraméliser des guimauves à la flamme et où l’on meurt aussi, comme les fleurs se fanent, confie donc à un oiseau le soin de tisser le fil de ses histoires. Un messager céleste pour des histoires de profonds chagrins, de belles rencontres, et de bonheurs saisis au vol.

Par Ito Ogawa
Chez Philippe Picquier

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Genre

Littérature étrangère

 

 

 

 

 

 

 

Sumire adore les oiseaux.

Pendant que je suis à l’école, elle monopolise le balcon à l’étage, celui où l’on étend le linge chez les Nakazato, elle y passe toute la journée à observer les oiseaux. En se balançant tranquillement, bien installée dans son rocking-chair en rotin préféré. De temps à autre, elle sirote une petite gorgée du café sucré qu’elle garde dans une gourde.

Si Sumire peut observer les oiseaux depuis la maison, alors que celle-ci n’a pas de jardin digne de ce nom, c’est parce que nous avons la chance de bénéficier d’une belle vue. Derrière chez nous s’étend une propriété ancienne et, depuis notre balcon, on croirait avoir une forêt touffue.

C’est l’été dernier que dans un coin de cette forêt a été installé un nichoir.

Il y avait une grosse branche d’arbre qui dépassait de chez le voisin. Lorsqu’il est venu nous annoncer qu’il voulait la couper, Sumire a sur-le-champ négocié avec lui.

En gros, elle lui a dit, ne vous en faites pas pour ça, je vous en prie, mais à la place, auriez-vous l’obligeance de me laisser y installer un nichoir ? 

Quand Sumire plante ses yeux dans les vôtres et vous demande une faveur, il faut être soit très méchant soit très têtu pour la lui refuser.

Depuis, Sumire attendait avec impatience que des oiseaux s’invitent dans le nichoir. Tourterelles et mésanges venaient souvent s’ébattre dans ce vieil arbre majestueux que, depuis longtemps, nous surnommions en secret « Pépé ». Pour Sumire, qui jusque-là observait les oiseaux de loin aux jumelles, la pose du nichoir tombait à pic, car elle avait de moins en moins de force dans les bras et sa vue avait baissé. Ainsi, elle pourrait regarder les oiseaux de près, sans avoir besoin de jumelles.

Pépé, qui avait arboré tout l’été un feuillage vert foncé bien dense, s’est paré à l’automne de teintes mordorées puis, l’hiver venu, s’est dépouillé de ses feuilles qu’il a laissées choir par terre jusqu’à la dernière. Au retour du printemps, il s’est couvert de petites feuilles d’un vert tendre et, l’été revenu, il a vigoureusement déployé son feuillage.

Une année entière s’était écoulée depuis l’installation du nichoir, et c’était de nouveau l’automne.

Mais le nichoir n’avait presque pas servi. Un oiseau y entrait parfois pour l’inspecter mais, sans s’y attarder, ressortait aussitôt par l’ouverture ronde et s’envolait prestement au-dehors.

Malgré tout, du matin au soir, Sumire ne quittait pas Pépé des yeux.

A un moment, je lui ai tenu compagnie, me passionnant moi aussi pour l’observation des oiseaux, mais, peu à peu, je me suis lassée de cette attente immobile et mes passages sur le balcon se sont faits de plus en plus brefs. 

Celle qui m’a fait cadeau de mon prénom, Hibari, c’est Sumire, m’a-t-on dit. Dès l’instant où elle a posé les yeux sur le minuscule nouveau-né que j’étais, c’est ce prénom qui lui est venu à l’esprit.

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trad. Myriam Dartois-Ako
04/09/2014 282 pages 19,50 €
Scannez le code barre 9782809710298
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