#Essais

La désobéissance civile. 2e édition revue et augmentée

Graeme Hayes, Sylvie Ollitrault

La désobéissance civile, à la différence de la lutte armée, s'inscrit dans la vie ordinaire des individus, qui l'utilisent pour marquer leur opposition à la force de la loi. Au XXe siècle, Gandhi et Martin Luther King en ont fait un instrument privilégié de protestation non violente. A l'origine inspirées par des convictions religieuses ou philosophiques, les attitudes désobéissantes ont pris une dimension plus politique. Vont-elles rester le mode protestataire de minorités ou s'imposer comme une forme nouvelle d'expression citoyenne ? Des groupes aux intérêts diamétralement opposés peuvent-ils "désobéir" en se réclamant d'un même héritage démocratique ? Dans un contexte où féministes, anti-mariage gay, mouvement anti-impôts, indignés, écologistes, altermondialistes, parmi bien d'autres mouvements, pratiquent la désobéissance civile, cet ouvrage en retrace l'histoire, les modalités d'action et les rapports ambigus avec la violence, le droit et les médias.

Par Graeme Hayes, Sylvie Ollitrault
Chez Les Presses de Sciences Po

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Genre

Sciences politiques

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

Le 1er décembre 1955, quatre femmes noires montent dans un bus de Montgomery, la capitale de l’État d’Alabama, dans le Sud des États-Unis. Elles s’assoient au milieu du bus, sur les bancs réservés aux Noirs. Rien d’anormal ou, du moins, rien d’inhabituel. Quelques minutes plus tard, des hommes blancs montent à leur tour dans le bus. Le conducteur demande aux quatre femmes de libérer leur place pour les nouveaux venus. Trois d’entre elles acceptent de se lever mais la quatrième, Rosa Parks, refuse. Elle raconte ainsi la scène : « Lorsqu’il a vu que j’étais toujours assise, il m’a demandé si j’allais me lever, et je lui ai dit : “Non, je ne vais pas le faire.” Et il m’a répondu : “Si tu ne te lèves pas, je vais devoir appeler la police et te faire arrêter”. Alors j’ai dit : “Allez-y !”1. »

Elle est aussitôt interpellée par deux policiers, mise en détention et citée à comparaître au tribunal de justice le lundi suivant.

La politique de ségrégation raciale pratiquée par la Montgomery City Lines, le réseau de bus de la ville, est depuis longtemps critiquée par les organisations noires locales dont la Women’s Political Council, présidée par Jo Ann Robinson, professeure d’anglais dans une université noire, l’Alabama State College. Le soir même de l’incident, Jo Ann Robinson rédige un appel au boycott du réseau de bus. Dès le lendemain, vendredi 2 décembre, 35 000 tracts sont distribués à Montgomery par Robinson et ses étudiants. Le dimanche suivant, lors de la messe, l’appel est relayé depuis les pupitres des églises noires et fait la une du Montgomery Advertiser, le journal local.

Le lundi 5 décembre, Rosa Parks est condamnée à payer une amende de 10 dollars plus 4 dollars de frais de justice pour violation de la loi sur la ségrégation raciale. Mais l’appel au boycott rencontre un succès inattendu : le taux de participation atteint presque les 100 %. Dans l’après-midi, une coordination permanente destinée à organiser la suite du boycott est créée : la Montgomery Improvement Association. Un jeune pasteur fraîchement entré en fonction à Montgomery, détenteur d’un doctorat en théologie de l’Université de Boston, est nommé à sa tête : il s’appelle Martin Luther King Jr.

Le boycott va durer treize mois, jusqu’au 21 décembre 1956, malgré une répression grandissante de la part des pouvoirs municipaux, des forces de l’ordre, des notables et des populations blanches. Le White Citizens’ Council, une organisation raciste de l’Alabama qui affirme la supériorité de la « race blanche », voit ses effectifs passer de 800 à 75 000 membres en un an, dont 13 à 14 000 uniquement à Montgomery2. Les leaders du boycott sont poursuivis en justice et condamnés. Des engins explosifs détruisent les maisons du pasteur King et d’Edgar Nixon, figure de proue du mouvement. Néanmoins, lorsque la Cour suprême des États-Unis finit par se prononcer sur le caractère anticonstitutionnel de la ségrégation dans les bus, le boycott a gagné son pari initial. Il se propage alors rapidement dans d’autres villes du Sud, de Birmingham à Mobile en passant par Atlanta, Chattanooga, la Nouvelle Orléans et Tallahassee.

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18/11/2013 185 pages 14,00 €
Scannez le code barre 9782724614268
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