« La liberté de la presse
est la première des libertés »
« Personne ne peut mieux vous aider à comprendre la valeur de la liberté qu’un dictateur. » Éclairante citation. Dans nos démocraties (imparfaites), nous respirons un air de liberté (parfois pollué), tandis que les despotes en privent leurs citoyens. Sans cet oxygène politique qu’est la liberté de la presse, les enfants, les femmes et les hommes suffoquent sous un couvercle. Les ressortissants des régimes dictatoriaux savent mieux qu’autrui la valeur de l’air pur.
Au milieu du XIXe siècle, Victor Hugo, alors député de la Deuxième République, évoque la liberté de l’information dans ses discours à l’Assemblée. Il clame que « le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré » que le principe du suffrage universel. « La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’une, c’est attenter à l’autre. »
Au début du XXIe siècle, près du tiers des êtres humains n’a toujours pas accès à une information libre. Privés de la lucidité élémentaire pour conduire leur vie, inféodés comme des enfants à qui l’on raconte des histoires, ces milliards d’individus sont dépossédés de leur existence, empêchés de sortir de ce que le philosophe Emmanuel Kant appelait l’« état de tutelle ». Il ne saurait y avoir de liberté de conscience et de liberté tout court sans liberté de la connaissance au sens le plus large. Ce principe vaut même dans les démocraties, où les pressions et les conflits d’intérêts éloignent parfois le journalisme de son idéal.
La liberté de l’information n’est donc pas un privilège corporatiste. Partout où les journalistes sont brimés, menacés, parfois tués, les victimes finales sont les enfants, les femmes et les hommes, qui ne peuvent découvrir la réalité au travers des reportages, des interviews et des enquêtes. Or à l’heure où nous mettons sous presse, cent soixante-dix-huit journalistes professionnels et cent soixante-six net-citoyens sont détenus dans le monde pour avoir tenté de lever un coin du voile. Ils sont, eux, dans des cellules visibles, tandis que leurs concitoyens sont dans des prisons invisibles.
Le « Classement mondial de la liberté de la presse » publié chaque année par Reporters sans frontières constate l’étendue ou au contraire l’étouffement de la « liberté qui permet de vérifier l’existence de toutes les autres » sur la planète entière, selon l’expression d’un célèbre journaliste birman, Win Tin, qui a passé dix-neuf ans de sa vie en prison. C’est un instrument de mesure pour tous ceux qui souhaitent connaître l’état de cette liberté fondamentale dans cent quatre-vingts pays, c’est aussi un outil de référence et de plaidoyer pour convaincre des États de prendre des mesures en faveur d’une plus grande liberté.
Extraits
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