#Polar

Coeur de glace

Doug Allyn

Mitch Mitchell est de retour au bord du lac Huron, au nord du Michigan, qu'elle a quitté des années plus tôt. Depuis, elle a étudié la biologie sous-marine, élevé seule son fils et plongé en eaux profondes au large des côtes texanes. Aujourd'hui, la mort de son père la ramène dans cette région de lacs et de glace. En reprenant son bar et son magasin de pêche, elle comprend vite qu'il était mêlé à des histoires louches et qu'il lui faudra se débattre pour ne pas être entraînée à son tour au fond de l'abîme.

Par Doug Allyn
Chez Editions Gallimard

0 Réactions |

Genre

Policiers

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 1

 

 

Un jour d’hiver au purgatoire — Dans un bar enfumé, au bord du lac, je broyais du noir en écoutant la plainte de Willie Nelson, Blue Eyes Crying, qui montait d’un juke-box qu’un quidam avait presque complètement déglingué à coups de pied. Les loubards, au comptoir, avaient l’air encore plus lugubre que la chanson de Willie, sinistres paumés affublés de vêtements minables qui marmonnaient à propos de la rencontre des Pistons-Bulls à la télé et lisaient leur avenir au fond d’un verre.

Dans un coin, deux jeunes mecs en blouson de cuir, du genre tête brûlée, jouaient au billard, balle no 8, un dollar le point. Derrière eux, le cadre gelé de la fenêtre branlait à chaque rafale qui soufflait de Thunder Bay.

L’idée que je puisse faire partie du tableau m’était odieuse, mais c’était sûrement le cas. Une femme, seule, qui boit, pas maquillée, sans même une trace de rouge à lèvres, vêtue d’un jean usé et d’une vieille parka que j’avais enfilés pour le long voyage qui me ramenait ici et que je portais encore. Je ne m’étais pas coiffée de la journée et mon humeur s’accordait parfaitement à l’ambiance du bar. Hargneuse. Sinistre. Le moral à zéro.

D’après les critères du coin, le barman devait être un beau mec, il avait une longue queue-de-cheval noire attachée dans le dos, sa chemise blanche était ouverte sur sa poitrine où pendait une croix-de-Jérusalem en or, sa peau était lisse et cuivrée. Sans doute du sang ojibway, ou cree. Avec sa queue-de-cheval il ressemblait à un gangster tout droit sorti d’une reprise de Miami Vice, ce qui ne lui allait pas si mal puisqu’il empochait la moitié de l’argent qui passait sur le comptoir.

La seule autre femelle qui se trouvait là, c’était la serveuse. Je suis plutôt grande pour une femme, un mètre soixante-quinze, pieds nus je précise, mais elle était encore plus grande que moi, elle portait sous sa chevelure rousse un T-shirt noir des Pistons de Detroit, un pantalon en treillis et des bottes de combat. Une amazone. On aurait pu la prendre pour la sœur de Jack Palance, avec sa large bouche, ses bras musclés, ses grandes mains aux articulations rougeaudes. Alors qu’elle passait, un des joueurs de billard lui mit comme par hasard la main aux fesses. Elle se fendit d’un grand sourire et lui donna un gentil coup de coude dans les côtes, ce qui le fit se plier en deux. Un bon truc. Il n’osa plus la toucher.

« Vous avez à peine touché à votre bière, ma biche, dit le barman qui me tira en sursaut de mon blues. Y a quelque chose qui va pas ?

— Pour le moment, en effet. Ce n’est sûrement pas mon rouge à lèvres qui a laissé cette trace sur le verre. Est-ce que je pourrais en avoir un propre ? S’il vous plaît.

— Pas de problème, chérie. » Il souleva mon demi, planta ses yeux dans les miens, et lentement, du bout de sa langue, il lécha le verre jusqu’à ce que la trace ait disparu. « Et maintenant, c’est mieux ? » demanda-t-il en faisant glisser la chope dans ma direction ; une traînée de mousse se répandit sur le comptoir.

Commenter ce livre

 

trad. Frédérique Hatier
13/03/2014 372 pages 8,70 €
Scannez le code barre 9782070454259
9782070454259
© Notice établie par ORB
plus d'informations