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Critique littéraire
CORRESPONDANCE
1. — RAÚL GUSTAVO AGUIRRE À RENÉ CHAR1
6 octobre 1952
René Char,
C’est la jeunesse, oui. Même dans un pays étouffé2.
Nous avons besoin de l’action poétique (hors nous, à l’intérieur de nous).
Nous publions Poesía Buenos Aires dont le dernier numéro je vous ajoute. Nous voulons vous dédier le numéro d’automne 1953 (des poèmes traduits à l’espagnol, le chapitre « L’homme », d’après Mounin, des extraits de votre entretien avec P[ierre] Berger, des scènes de Claire et du Soleil des eaux3). Je regrette de n’avoir pas La Part du feu4 de M[aurice] Blanchot, aussi que les premiers vers de vos livres.
Depuis longtemps je suis penché sur vos poèmes et j’y reviens continuellement. J’ai fini pour ne croire qu’à vous. Comment faire, René Char, pour vous dire la solitude dont je me trouve soyant votre compagnon ?
Je vous prie d’excuser ce français barbare. Lisez-vous l’espagnol ?
Je demeure à l’espoir de votre consentiment,
Mes fraternelles salutations.
Raúl G. Aguirre
Raúl Gustavo Aguirre
Corrientes 745.
Buenos Aires (R. 31)
Argentina
1. Lettre dactylographiée, écrite en français.
2. En février 1946, Juan Perón est élu président de l’Argentine. Avec sa femme Eva, de nombreuses réformes sociales sont entreprises ; mais les intellectuels sont persécutés et l’Université garrotée. En septembre 1955, « la révolution libératrice » mettra fin à la dictature de Juan Perón en l’obligeant à démissionner.
3. René Char, Claire. Théâtre de verdure, Gallimard, juillet 1949 ; Le Soleil des eaux. Spectacle pour une toile de pêcheurs, Gallimard, avril 1951.
4. Maurice Blanchot, La Part du feu, Gallimard, juin 1949.
2. — RAÚL GUSTAVO AGUIRRE À RENÉ CHAR1
18 novembre 1952
Elles sont arrivées, ces nourritures heureuses2.
Maintenant, j’entreprends un travail simple et pur dont les aboutissements vous arriveront avril et juillet 1953.
Je salue votre présence sur la terre, bonté fluviale, confirmation de l’homme.
Raúl G. Aguirre
1. Lettre dactylographiée écrite en français.
2. René Char envoie ses poèmes à Raúl Gustavo Aguirre.
3. — RAÚL GUSTAVO AGUIRRE À RENÉ CHAR1
René Char
Isle-sur-Sorgue
Vaucluse
France
Buenos Aires, 1er juin 1953
Cher ami,
Veuillez, s’il vous plaît, m’excuser de vous écrire dans ma langue. Communiquer est difficile et plus encore à travers une langue, que je connais certes bien, mais dans laquelle je ne pourrais m’exprimer sans cette âpreté de qui n’a pas grandi en elle.
Comment vous dire combien je vous comprends et combien je vous admire ? Je sais que cela ne serait pas inutile, car celui qui, comme vous, a atteint cette part indicible de la conscience, doit être accablé par une reconnaissance superficielle, par l’éloge qui n’engage pas et par cette effrayante adoration de ceux qui ne voient dans la poésie qu’une infinie habileté verbale.
Extraits
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