#Roman francophone

Manuel d'écriture et de survie

Martin Page

Martin Page répond aux lettres d'une jeune écrivaine prénommée Daria. Tout en lui donnant des conseils d'écriture, il esquisse des moyens de se débrouiller avec le monde, avec le milieu littéraire, avec ses propres névroses et fragilités. Au fil de ce dialogue, il brosse aussi une sorte d'autoportrait. Entre dépression et exaltation, il nous parle de l'art sauvage de l'écriture, un art encore jeune, riche de possibilités. Sans escamoter la dureté sociale ni la réalité des coups et des blessures, il défend l'imagination comme forme de résistance et de création intime. La littérature est un sport de combat autant qu'un des grands plaisirs de l'existence.

Par Martin Page
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

Littérature française

 

 

 

 

 

 

 

Or c’est ici, dans cet extrême danger qui menace la volonté, que survient l’art, tel un magicien qui sauve et qui guérit. Car lui seul est à même de transformer ce dégoût pour l’horreur et l’absurdité de l’existence en représentations capables de rendre la vie possible : je veux parler du sublime, où l’art dompte et maîtrise l’horreur, et du comique, où l’art permet au dégoût de l’absurde de se décharger.

 

Friedrich Nietzsche,

La Naissance de la tragédie

 

 

 

Écrire est un acte religieux : une manière d’ordonner, corriger, réapprendre et réaimer les gens et le monde, tels qu’ils sont et pourraient être.

 

Sylvia Plath, Journaux, Gallimard

traduit par Christine Savinel

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour,

 

Votre courrier m’attendait dans la boîte aux lettres ce matin. Je l’ai rangé dans ma sacoche et j’ai pris le chemin de mon atelier. Je l’ai lu une fois assis à mon bureau, en attendant que le café passe et que mon ordinateur s’allume. C’est une agréable manière de commencer la journée.

Merci pour vos mots. Votre lettre me touche et m’encourage.

Je vous laisse : le café tiédit dangereusement et je dois rejoindre mon amie sur la terrasse de l’atelier.

Bonne continuation,

 

Martin

 

 

 

Chère Daria,

 

Parmi les joies de l’existence, il y a le courrier et les emails. C’est avec plaisir que je trouve votre deuxième lettre ce matin. J’aime les correspondances. La plupart sont brèves, quelques-unes se poursuivent. Ça peut être une simple manière de se saluer, ou bien le moyen de commencer un dialogue.

Nous nous plaignons d’être seuls, mais nous ne faisons pas l’effort d’aller les uns vers les autres. Dès qu’un livre me plaît, j’essaye d’écrire à son auteur. Parfois ça donne lieu à un échange. Parfois une amitié naît. Je ne suis pas sociable, je déteste les soirées et les fêtes. Dès qu’il y a plus de cinq personnes dans une pièce, je me sens comme un animal en danger, j’ai envie de fuir. Internet, et la correspondance au sens large, est une bénédiction.

Merci pour votre nouvelle, « L’eau des rêves est respirable ». J’ai vérifié sur internet : c’est votre première publication dans une revue. Bravo !

Vous ne me demandez pas mon avis, et je vous en remercie. Je ne veux pas jouer à l’éditeur, n’attendez pas de conseils ou de jugements de ma part. Je ne veux pas non plus répondre par des compliments aux compliments que vous avez faits sur mes livres. Ce sont des principes auxquels je suis attaché, alors ne croyez pas que j’y dérogerai dans les lignes qui vont suivre.

Ainsi, je ne vous dirai pas que votre originalité est frappante. Que vous écrivez bien, que vos idées sont nouvelles et vos images fortes.

Quant aux conseils, il est bien sûr hors de question que je vous en donne. Il ne me viendrait jamais à l’idée de vous dire : cherchez à séduire, mais pas à impressionner. Supprimez des adjectifs, des adverbes, des répétitions, évitez les points d’exclamation. Relisez-vous à voix haute.

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02/05/2014 171 pages 14,00 €
Scannez le code barre 9782021174885
9782021174885
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