#Bande dessinée jeunesse

Swing à Berlin

Christophe Lambert

Berlin, 1942. La guerre s'enlise, et les Allemands commencent à sentir que l'issue ne sera pas victorieuse. Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, cherche un moyen de remonter le moral de la population. Et quoi de plus joyeux que le jazz ? Mais, considéré comme une "musique dégénérée" ou "musique de nègres", il est interdit par le régime. Le ministre ordonne donc que l'on crée un groupe de "musique de danse accentuée rythmiquement", un jazz qui valoriserait les thèses aryennes. Le vieux pianiste Wilhelm Dussander est à la retraite depuis que les membres juifs de son groupe ont été arrêtés. S'il estime que la politique n'est pas l'affaire des musiciens, il n'a jamais aimé les nazis. Pourtant, lorsque Goebbels le sollicite pour monter le groupe qu'il appelle de ses voeux, Dussander n'a d'autre choix que d'accepter...

Par Christophe Lambert
Chez Bayard

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Editeur

Bayard

Genre

12 ans et +

Le contexte historique de ce récit, en particulier la volonté affichée par Goebbels de former des orchestres de jazz allemands, est authentique. En revanche, les événements qui découlent de ce point de départ et leurs principaux protagonistes relèvent de la fiction.

Pour plus de précisions, référez-vous à la note de l’auteur en fin d’ouvrage.

« L’art est une mission qui oblige au fanatisme. »

Adolf Hitler

 

 

Prologue

 

Berlin, 1936

Wilhelm Dussander terminait son solo au piano quand il vit les hommes en noir entrer dans le club. Ils étaient cinq, vêtus de gabardines, avec casquettes et chapeaux enfoncés jusqu’aux sourcils. Ils conversaient entre eux en inspectant les lieux du regard. Tous portaient le sinistre brassard de la SS.

Dussander se tourna vers son ami, le clarinettiste Martin Baumgartner. Ce dernier venait de faire une fausse note. Il avait vu les nazis, lui aussi, et son visage blême semblait dire : « Ils viennent pour moi, je suis fichu ! »

Dans la salle meublée en bois et cuir sombre, les clients ne se doutaient de rien. Il y avait du monde, et du beau : intellectuels, l’œillet à la boutonnière, artistes à la mode, la cravate en berne, jolies dames en manteaux à col de fourrure, renardeaux enroulés autour du cou... Les uns et les autres fumaient, un verre à la main, assis à des tables en verre opaque. Certains tapaient du pied pour accompagner la musique, la reprise d’un swing endiablé signé Louis Prima 1. Leur attention était focalisée sur la scène où se produisaient les six membres du groupe Musician Harmonists. Honni par le nouveau régime, le jazz était interdit à la radio, mais pas encore dans les clubs. Une question de mois, de semaines sans doute.

Sur la piste en parquet ciré, de jeunes danseurs enchaînaient des figures toutes plus spectaculaires les unes que les autres. Les filles voltigeaient dans de grands mouvements de jupes ou glissaient entre les jambes de leurs cavaliers pour se rétablir aussitôt, prêtes à de nouvelles acrobaties. Le bar se trouvait dans le fond, non loin de la porte des cuisines, et le miroir situé derrière brillait comme un mirage dans la pénombre. Des arabesques Art déco agrémentaient les alcôves qui s’ouvraient sur les côtés.

« Rester calme, pensa Dussander. Ne pas paniquer... »

Mais l’adrénaline lui fouettait les sangs et il sentait une mauvaise sueur imbiber son dos. Il y avait trois Juifs dans le groupe : Schneider, le bassiste, Frank, le saxophoniste, et Baumgartner. Le clarinettiste était de surcroît un sympathisant communiste notoire. Il avait donc toutes les raisons du monde de s’inquiéter.

Dussander soupira en son for intérieur :

« Je t’avais dit de te tenir à l’écart des rouges, Martin ! Je t’avais dit que tu t’attirerais des ennuis. Vois où nous mènent tes lubies ! Nous sommes des musiciens, bon sang ! Pas des politiciens, et encore moins des militants bolcheviques ! »

Se faufilant entre les rires cristallins et les coupes de champagne, les SS se déployèrent sans quitter la scène des yeux. Une vendeuse de cigarettes aux jambes fuselées proposa sa marchandise à celui qui semblait être le chef. L’homme en noir leva sa main gantée en signe de refus. Un autre se posta devant la porte des cuisines, bloquant cette issue.

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14/06/2012 274 pages 12,50 €
Scannez le code barre 9782747043274
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